Les parlementaires et la securite nationale au Canada.

AuthorMacDonald, Nicholas A.

Le Parlement du Canada a pour coutume de s'ch remettre au gouvernement pour ce qui est des questions de sécurité nationale, bien que, parfois, les parlementaires se soient donné pour mission de demander des comptes au gouvernement à ce chapitre. En 1991, le Parlement a mené un examen quinquennal de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, au cours duquel le solliciteur général du Canada et ses fonctionnaires ont remis aux parlementaires des résumés classifiés pour les aider dans leurs travaux sur l'efficacité de la Loi. En 2004, on a proposé la création d'un comité de parlementaires sur la sécurité nationale dans Proléger une société ouverte : la politique canadienne de sécurité nationale. Une décision rendue par le président de la Chambre le 27 avril 2010 abordait également la question. L'auteur se penche sur un certain nombre de questions et de réserves soulevées dans le passé à ce sujet. Il s'intéresse à l'examen parlementaire des questions de sécurité nationale au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zéhmde. Il conclut qu'il n'existe aucun argument raisonnable contre la participation des parlementaires à l'examen des questions de sécurité nationale au Canada

La notion d'examen parlementaire des questions de sécurité nationale n'est pas propre au Canada. Le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande possèdent tous des systèmes bien développés qui permettent aux parlementaires de demander des comptes au gouvernement sur les enjeux de sécurité nationale. Il n'en est pas ainsi au Canada.

En 1979, le professeur C.E.S. Franks a préparé, pour le compte de la Commission McDonald, une étude intitulée Le Parlement et la sécurité, qui présente une analyse approfondie du rôle du Parlement dans les questions de sécurité nationale. Depuis, le paysage s'est toutefois considérablement transfonné, tant au pays qu'à l'étranger. Il est nécessaire de revoir ce dossier en profondeur : l'hypothèse sous-jacente selon laquelle les gouvernements sont majoritaires à la Chambre des conununes a évolué depuis quelque temps et l'incidence des gouvernements minoritaires dans ce domaine mérite une analyse. De surcroît, le droit relatif au privilège parlementaire a, depuis, été le centre d'intérêt de deux arrêts de la Cour suprême et d'une décision rendue par le président en avril 2010.

Avant d'établir des comparaisons avec d'autres pays du Commonwealth, il convient de distinguer les notions d'<< examen >> et de << surveillance >> des activités du gouvernement. Aux États-Unis, le Congrès est chargé, par l'entremise de divers comités, de surveiller les activités du pouvoir exécutif en matière de sécurité nationale. Une telle chose est possible dans le système américain, car l'exécutif (la charge de président) est indépendant du Congrès, en vertu de la Constitution. Par son système de freins et de contrepoids, le Congrès peut participer activement à ces questions tout en exerçant sa surveillance.

Au Canada, comme dans les autres pays dont le régime parlementaire s'inspire du modèle de Westminster, oø les pouvoirs exécutif et législatif sont amalgamés, un tel niveau de surveillance et de participation active serait inapproprié. Dans le système canadien, le Cabinet est chargé d'administrer le gouvernement, et il possède cette autorité parce qu'il a la confiance (ou l'appui de la majorité) de la Chambre des communes réunie en Parlement. Dans un tel système de gouvernement responsable, le Parlement ne peut qu'examiner les questions dont s'occupe le gouvernement (1). En résumé, on procède à un examen après qu'un geste a été posé, tandis que la surveillance nécessite une participation continue.

Royaume-Uni

En 1994, le Royaume-Uni a adopté l'Intelligence Services Act (2) portant création du Comité du renseignement et de la sécurité, qui a pour mandat d'examiner les dépenses, l'administration et les politiques du Service de sécurité, du Service du renseignement et de l'Administration centrale des cormnunications gouvernementales. Il se compose de neuf membres de la Chambre des communes et de la Chambre des lords qui n'occupent pas la charge de ministre. Ces membres sont nommés par le premier ministre en consultation avec le chef de l'opposition. Une lois l'an, le Comité produit un rapport à l'intention du premier ministre, et ce rapport est ensuite déposé au Parlement. Le premier ministre petit caviarder tout passage du rapport dont il juge la divulgation contraire à l'intérêt public. Le Cabinet peut demander au Comité d'examiner certaines questions d'intérêt, mais ce dernier est généralement libre d'établir son propre programme, ce qui lui permet de mener des enquêtes détaillées ou vastes. Le Comité a accès à l'information sensible, pourvu que le directeur général du Service de sécurité ne juge pas sa divulgation contraire à l'intérêt public. Cela dit, le Comité peut faire appel d'une telle décision auprès du secrétaire d'État. Ses membres font partie du Conseil privé et ne peuvent divulguer de renseignements qui leur ont été communiqués lors de leurs délibérations.

Les rapports annuels du Comité se comparent à ceux d'autres comités parlementaires. Dans son rapport de 2009-2010, le Comité s'est dit capable de tenir adéquatement responsable les organismes de renseignement, indépendamment du gouvernement. Toutefois, le rapport consacre de nombreuses pages à la nécessité de défendre l'autonomie du Comité par rapport au gouvernement et comprend certains passages caviardés, plus précisément les données budgétaires (classifiées au Royaume-Uni), c'est-à-dire que les montants ont été remplacés par des astérisques (***). Dans son compte rendu officiel, le Comité doit se contenter d'indiquer s'il est satisfait ou non des politiques et des réponses du gouvernement par rapport à une question donnée.

Un examen des rapports annuels de 2001-2002, 2002-2003 et 2009-2010 montre que les rapports du Comité sont g,,énéralement favorables aux actions du gouvernement. A cet égard, il semble que ce dernier pourrait utiliser le Comité pour légitimer sur le plan politique l'administration et les dépenses liées à la sécurité. Dans ses réponses, le gouvernement se montre respectueux des travaux du Comité et reconnaît les points d'entente (3).

Nouvelle-Zélande

Le Comité du renseignement et de la sécurité de la Nouvelle-Zélande a été créé par l'Intelligence and Security Act 1996. Il a pour mandat d'examiner la politique, l'administration et les dépenses de chaque organisme de renseignement et de sécurité, d'étudier les projets de loi, les pétitions et les autres questions ayant trait au renseignement et à la sécurité que lui renvoie la Chambre des représentants et de se pencher sur les rapports annuels des organismes de renseignement. Toutefois, le Comité ne s'occupe pas des questions sensibles sur le plan opérationnel ou des plaintes d'un particulier à l'encontre d'un organisme de renseignement. Le Comité se compose du premier ministre, du chef de l'opposition, de deux députés de la Chambre des représentants nommés par le premier ministre et d'un député nommé par le chef de l'opposition. Aucune substitution n'est autorisée. Les délibérations se déroulent en conformité avec le Règlement de la Chambre des représentants et se tiennent à huis clos à moins qu'on n'ait décidé, par consentement unanime, qu'elles soient tenues publiquement.

Le modèle néo-zélandais se distingue par l'attention qu'il porte à la protection des privilèges des membres du Comité aux termes de la Loi, qui veille à ce que ceux-ci et les personnes nommées pour aider le Comité bénéficient de l'immunité en matière pénale et civile pour les actes accomplis, les rapports établis, les paroles prononcées dans l'exercice effectif ou envisagé des fonctions du Comité au titre de ladite loi, ainsi que pour toutes les omissions, à moins qu'il n'ait été démontré que le député ou la personne a agi de mauvaise foi (4).

En outre, selon la Loi, les travaux du Comité sont réputés être des travaux du Parlement aux fins de l'article 9 de la Déclaration des droits (Bill of Rights) de 1689 du Royaume-Uni, ce qui vise précisément, et protège, le privilège parlementaire.

Australie

Le Comité parlementaire mixte sur le renseignement et la sécurité (PJCIS) de l'Australie a été créé aux termes de l'article 29 de l'Intelligence Services' Act 2001 (5). Il a pour mandat d'examiner l'administration et les dépenses du secteur du renseignement australien et de préparer un rapport annuel à l'intention du Parlernent. Il peut également être appelé à revoir la liste des organisations terroristes en application du Code criminel. Le Comité se compose de quatre sénateurs et de cinq députés de la Chambre des représentants, dont la majorité doit faire partie du gouvernement. Le Comité reçoit les mémoires classifiés et non classifiés des fonctionnaires des organismes de renseignement. Ses membres ne peuvent divulguer les renseignements qui leur sont communiqués durant leurs délibérations.

Le Comité a souligné l'importance de faire examiner la totalité du secteur du renseignement australien par un seul comité. Il a fait valoir que, sans vue d'ensemble, il est inévitable que des trous dans les connaissances et la supervision nuisent grandement à la surveillance parlementaire (6). Le Comité a reconnu que sa façon de gérer ses dossiers diverge de la pratique parlementaire courante, qui consiste à tenir compte d'un éventail de points de vue lors de l'examen des questions à l'étude. De son avis, ses pratiques n'ont pas posé problème jusqu'à présent; toutefois, il fait ressortir qu'il ne peut débattre publiquement des questions dont il est saisi en raison de la nature confidentielle des organismes de renseignement et des contraintes qu'impose l'Intelligence Services Act, qui limite l'ampleur des présentations qu'il lui est possible d'examiner. Le Comité a recommandé que son mandat soit élargi afin d'inclure la surveillance de certaines fonctions de lutte contre le terrorisme, une recommandation qu'a rejetée le...

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