L'influence des parlementaires sur les politiques publiques: le cas de l'education.

AuthorB
PositionCase study

Dans les années '90, le taux de décrochage scolaire des élèves québécois avoisine les 35 %. Plusieurs groupes sociaux, dont la Centrale de l'enseignement du Québec et la Société Saint-Jean-Baptiste, profitent alors de la campagne électorale de 1994 pour réclamer des États généraux sur l'éducation. En octobre 1995, le ministre de l'Éducation Jean Garon nomme une Commission des États généraux sur l'éducation (CEGE) qui, après 16 mois de travaux, remet son rapport intitulé Dix chantiers prioritaires. S'appuyant sur ce document, Pauline Matois, qui succède à Jean Garon, propose une réforme majeure du système d'éducation. Ce court historique montre que la réforme de l'éducation, à l'instar d'autres politiques publiques, est le résultat des travaux du gouvernement et d'organismes consultatifs. Or, alors que plusieurs auteurs affirment que le pouvoir législatif décline, peu d'études ont analysé le rôle de ce dernier sur les politiques. Le présent article vise à comprendre de quelle manière les parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec ont influencé le contenu de la réforme de l'éducation de 1997.

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Le présent article étudie le cas de la réforme québécoise de l'éducation de 1997 pour comprendre (1) de quelle manière se manifeste 1 influence des parlementaires et (2) à quelle étape de réalisation de la réforme cette influence est-elle la plus marquée. Avant de répondre à ces deux questions de recherche, il importe de définir les expressions > et > et d'établir les bases théoriques sur lesquelles est construit cet article.

Tout d'abord, nous employons le terme > au sens de policy capacity, soit l'action exercée par les députés sur les autres acteurs afin de préconiser certaines solutions. Afin de qualifier l'influence, nous analyserons les mécanismes législatifs (comme l'étude des crédits ou la période de questions) et évaluons jusqu'à quel point ils permettent aux députés d'agir sur la réforme. En ce sens, l'influence est considérée forte lorsque le mécanisme permet à un député de suggérer une alternative et que cette dernière est reprise dans un document exécutoire et que l'apport du parlementaire est reconnu. L'influence est considérée moyenne si le député suggère une alternative et que celleci est retenue sans que l'apport du député soir reconnu. Finalement, l'influence est faible lorsque le mécanisme permet seulement au député d'exprimer son opinion sur une alternative.

Au niveau conceptuel, nous entendons par > les changements apportés par le gouvernement au système d'éducation québécois qui prennent leur source dans les quatre documents suivants : > (1) (plan d'action ministériel), > (2) (énoncé politique), > (3) (énoncé de politique éducative) et la Loi modifiant la Loi sur l'Instruction publique. Au niveau du contenu, la réforme vise, entre autre, à intervenir dès la petite enfance, enseigner les matières essentielles, donner plus d'autonomie à l'école et donner un meilleur accès à la formation continue (4).

La réforme constitue donc une politique publique, qui est définie par Lemieux (5) comme >. Le présent article utilise le cadre théorique élaboré par Kingdon (6) et repris par Lemieux, afin de d'identifier les acteurs et les étapes du processus de réalisation d'une politique publique. Lemieux et Kingdon identifient quatre catégories d'acteurs : les responsables, les agents, les intéressés et les particuliers. La présente étude n'observe que les responsables (élus qui disposent de ressources statutaires) et les agents (fonctionnaires qui disposent de ressources informationnelles), travaillant pour le Conseil supérieur de l'éducation (CSE), la Commission des États généraux sur l'éducation (CEGE) et le ministère de l'Éducation du Québec (MEQ).

Le modèle de Kingdon distingue aussi trois étapes dans le processus de réalisation d'une politique : l'émergence (lorsqu'un problème est mis à l'ordre du jour du gouvernement), la formulation (lorsque les alternatives pour résoudre le problème sont débattues) et la mise en oeuvre (lorsque les fonctionnaires appliquent les solutions choisies par les élus). Ce cadre théorique, fréquemment utilisé dans l'étude des politiques publiques au Canada, fait peu référence au rôle des parlementaires. Certes, Kingdon mentionne l'influence du Congrès américain, mais les parallèles entre les assemblées législatives canadiennes et le Congrès sont risqués. Nous complèterons donc le modèle par certains concepts élaborés par Wahlke et Olson et Mezey (7).

Outre les lacunes théoriques, l'étude présente deux failles importantes. Tout d'abord, la qualification de l'influence se fait selon une échelle qui n'a pas été testée auparavant. En outre, l'ensemble de l'analyse se base sur le verbatim pris à même les extraits du Journal des débats de l'Assemblée nationale. Or, Howlett et Ramesh préviennent que les documents officiels expliquent rarement les véritables motivations des dirigeants (8). Néanmoins, l'article offre des éléments de réflexion intéressants à tous ceux qui s'interrogent sur le rôle du pouvoir législatif dans les démocraties modernes.

Résultats

La réforme de...

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