Les personnes handicapées en politique parlementaire.

AuthorFletcher, Steven
PositionTable ronde

RPC : M. Levesque, vos recherches récentes indiquent que les personnes handicapées ne briguent pas les suffrages dans une proportion représentative de leur présence dans la population en général. Pourquoi le taux de participation à la vie politique des personnes handicapées est-il si faible?

ML : Je me suis intéressé à ce sujet après m'être demandé si nous élisons des personnes handicapées, des femmes, des Autochtones ou des membres d'autres minorités visibles dans une proportion équivalant à leur présence dans la population en général et, dans l'affirmative, si ces personnes, une fois élues, ont une influence sur les politiques qui traitent des problèmes particuliers auxquels elles sont ellesmêmes confrontées?

Pour commencer, j'ai essayé de me faire une idée des chiffres. J'ai donc remis à tous les présidents des partis politiques provinciaux un sondage dans lequel je leur demandais : 1) s'ils cherchaient à attirer des candidats handicapés, 2) s'ils utilisaient des mécanismes spéciaux pour attirer ces personnes, notamment du financement; 3) s'ils pouvaient me dresser la liste des personnes handicapées s'étant portées candidates au cours des trois dernières élections et, si oui, dans quelles circonscriptions. Cette dernière question est importante puisque selon bon nombre d'ouvrages, les partis politiques ont tendance à présenter des candidats marginaux ou faisant partie d'une minorité dans des circonscriptions où ils ont très peu de chances de l'emporter, tout simplement par souci d'atteindre leur quota plus rapidement. J'ai choisi de me pencher sur la scène politique provinciale parce qu'on y trouve très peu de données sur la question.

Les 21 réponses que j'ai reçues m'amènent à conclure que seulement un pour cent des candidats aux trois dernières élections provinciales étaient des personnes handicapées. C'est un niveau très, très bas si l'on considère que 15 à 21 pour cent de la population souffre d'un handicap déclaré. De plus, parmi les partis ayant répondu au sondage, aucun n'a mis sur pied des stratégies de recrutement pour trouver des personnes handicapées comme candidats potentiels et les inciter à se lancer dans la course. Les partis affirment plutôt avoir cherché le meilleur candidat pour la circonscription, c'estàdire le plus susceptible de gagner aux élections. Dans un cas seulement, un parti a approché une personne handicapée pour qu'elle se porte candidate, non pas parce qu'il cherchait activement à bien représenter la population, mais bien parce que la personne était connue grâce à son engagement au sein du parti et parce qu'elle était considérée comme un bon candidat.

DO : Au fait, quelle était votre définition de handicap?

ML : Elle était très vaste, c'estàdire qu'il pouvait s'agir d'un handicap physique, d'une difficulté d'apprentissage ou d'une déficience intellectuelle. J'ai essayé d'être le plus inclusif possible.

DO : Il est intéressant de constater le postulat que le meilleur candidat ne ferait pas partie du 15 pour cent de la population handicapée. Par conséquent, on n'a même pas cherché au sein de ce groupe.

ML : Je me suis creusé la tête à ce sujet d'ailleurs. J'ai étudié ces données et je me suis demandé si le problème pouvait être que les personnes handicapées susceptibles de se lancer dans la course n'avaient pas manifesté leur intérêt aux partis politiques. Je me suis donc lancé à la recherche des statuts de tous les partis que je pouvais trouver au Canada et j'ai conclu qu'ils ne contenaient pas de dispositions particulières sur la question. Seuls les statuts du Nouveau Parti démocratique de l'Ontario faisaient vaguement référence aux personnes handicapées. En effet, ce parti compte un Comité des droits des personnes handicapées. C'est intéressant puisque les autres partis sont nombreux à compter des comités portant sur des groupes particuliers, comme le Rainbow Pride Committee ou le Comité autochtone du NPD, en Saskatchewan. En Ontario, le NPD a de plus adopté une politique selon laquelle il doit présenter des candidats provenant de groupes visés par des mesures de discrimination positive, notamment des personnes handicapées, pour le représenter aux trois quarts des sièges qu'il brigue et dont il n'est pas déjà titulaire.

RPC : Nous pouvons peut-être demander aux politiciens de nous parler des mécanismes, ou de l'absence de mécanismes, pour inciter les personnes handicapées à se porter candidates. Qu'est-ce qui les dissuade de le faire?

KM : En Nouvelle-Écosse, nous avons organisé une activité nommée Forum 29, sur la situation des personnes handicapées, la politique et les responsables du recrutement au sein des partis politiques, dans le but précis d'inciter les personnes handicapées à participer à la démocratie. En tant que premier président d'une Assemblée législative du Canada souffrant d'un handicap, j'ai raconté comment j'ai fait mon entrée en politique, la formation que j'ai reçue et les raisons qui m'ont poussé à inscrire mon nom sur un bulletin de vote. Notre objectif était d'inspirer les personnes handicapées à en arriver à ce point, aussi. Malgré le bon taux de participation, j'ai trouvé qu'il y avait encore beaucoup de désinformation, du moins chez les participants. La plupart d'entre eux ne comprenaient pas bien le fonctionnement du système politique au Canada et les différences entre les partis.

Pour être franc, malgré les progrès actuels, je crois qu'on n'a pas l'habitude d'encourager les handicapés à se lancer en politique pour toutes sortes de raisons : la hausse des taux de chômage, la multiplication des barrières socioéconomiques, la réalité quotidienne de la vie avec un handicap, et l'inquiétude des personnes handicapées quant à leur situation personnelle. Je crois que le faible pourcentage mentionné plus tôt s'explique en partie par le fait que l'engagement politique se trouve bien loin sur la liste de priorités des personnes handicapées.

RPC : Par ailleurs, les partis ont des positions différentes quant au fait de recruter leurs candidats selon leur appartenance à un groupe désigné.

SF : Je suis contre les mesures de discrimination positive, particulièrement en ce qui me concerne. Je crois que si vous vous lancez en politique, il y aura des moments très difficiles. Au fédéral, j'ai été confronté à deux reprises à la contestation de ma mise en candidature, soit une fois au sein de l'Alliance canadienne et, lors de la fusion des partis, une fois au sein des conservateurs. Ensuite, j'ai dû me présenter contre Glen Murray, maire bien connu et populaire de Winnipeg. À un certain moment, durant le processus de mise en candidature, certaines personnes faisaient circuler des notes sur lesquelles on pouvait lire: >. Cependant, la vaste majorité des membres du parti en ont fait fi.

J'ai également remarqué, lorsque je faisais du porteàporte, que les gens étaient très surpris de me voir en fauteuil roulant. Et j'en étais conscient. Lorsque je me suis...

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