Le plebiscite de l'Ile-du-Prince-Edouard sur la reforme electorale.

AuthorLea, Jeannie
PositionL'

Le 28 novembre 2005, l'Île-du-Prince-Edouard a rejeté une proposition visant à adopter la représentation proportionnelle mixte (RPM) par une majorité de deux contre un. Ce vote était laeaboutissement d'un débat de cinq ans sur la réforme électorale dans la plus petite province du Canada. Il mettait fin temporairement à la possibilité que l'Île-du-Prince-Edouard écrive une page d'histoire politique en étant la première province à adopter un nouveau système électoral. Ce fut plutôt le statu quo qui l'emporta dans une proportion de 64 % contre 36 %. Jetons un coup d'oeil à ces cinq années de débat ainsi qu'aux résultats et aux enseignements du plébiscite.

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L'histoire de l'Île-du-Prince-Édouard a été marquée à plusieurs reprises par un fort déséquilibre à l'Assemblée législative. Au cours des cinq dernières élections, il est arrivé deux fois qu'un seul membre de l'opposition soit élu, et, à une reprise, deux députés ont constitué l'opposition. J'ai servi dans une de ces législatures, oø Catherine Callbeck était première ministre. Avec 55 % du vote populaire et le système majoritaire uninominal, nous avions récolté 97 % des sièges--tous, sauf un. Les deux partis de l'opposition, totalisant 45 % du vote populaire, n'occupaient que 3 % des sièges, soit un seul. L'assemblée législative comptait 31 députés du parti au pouvoir et un de l'opposition.

Bien des gens ont trouvé la situation préoccupante. Comment une démocratie parlementaire de style britannique, oø l'opposition a un rôle important à jouer pour amener les gouvernements à rendre des comptes, peut-elle fonctionner si une seule personne constitue cette opposition? En outre, comment l'opposition peut-être être un gouvernement en puissance dans ce cas? Ce n'est tout simplement pas possible.

En décembre 2000, l'Institute of Island Studies a rendu public un document de travail d'Andrew Cousins sur la réforme électorale à l'Île-du-Prince-Édouard (1). Ce texte se penche sur notre histoire, examine des systèmes d'autres pays et propose quelques modèles de rechange. L'auteur montre comment un autre mode de scrutin pourrait changer les résultats électoraux. Probablement pour la première fois pour beaucoup d'entre nous, l'ampleur du problème a été mise en lumière ainsi que l'exagération des résultats du scrutin que donne l'actuel système majoritaire uninominal. Dans ce système, les perdants, les partis d'opposition, voient leurs résultats s'effriter considérablement. Cette étude traite aussi des résultats du vote populaire d'un certain nombre d'élections et commence à analyser les tendances. Nous avons commencé à prendre conscience que le vote populaire était important pour les résultats globaux et que le système avait fait dévier les résultats définitifs.

Les systèmes dans lesquels le candidat qui a obtenu le plus grand nombre de voix l'emporte ont été conçus pour donner des victoires décisives et des gouvernements à forte majorité. Ils ont été pensés pour une autre époque et pour un système à deux partis. De nombreux citoyens de la province étaient d'avis que le système majoritaire uninominal ne donnait plus les résultats qu'on voulait ni ceux dont on avait besoin. Il fallait donc nous doter de systèmes plus modernes pour nous gouverner, notamment en matière électorale.

En 2001, un comité législatif qui étudiait un certain nombre de questions à caractère électoral a entendu plus de la moitié des présentateurs publics dire qu'ils envisageaient une certaine forme de représentation proportionnelle pour notre province. (Bon nombre de ces groupes et de ces personnes ont plus tard formé la Coalition du Oui.) C'est ainsi que le directeur général des élections a été invité à étudier l'option de la représentation proportionnelle et qu'il a présenté un rapport sur la question en avril 2002 (2). À la suite de ce rapport et des travaux de groupes comme Every Vote Counts (groupe de citoyens non partisans), le premier ministre a annoncé dans un discours du Trône qu'il nommerait un commissaire pour étudier le rapport et recommander des mesures.

En janvier 2003, l'ancien juge en chef Norman Carruthers a été nommé commissaire à la réforme électorale. Il a passé un an à effectuer des recherches et à consulter la population de la province. Ses conclusions ont été rendues publiques en décembre 2003 (3). Il a recommandé d'envisager l'adoption de la représentation proportionnelle mixte (RPM), d'instituer une assemblée des citoyens semblable à celle de la Colombie-Britannique pour le choix d'un modèle et d'entamer un travail de sensibilisation suivi d'un plébiscite pour sonder la population de l'Île. Il a également suggéré que les femmes reçoivent une attention particulière ainsi que les populations minoritaires, comme les francophones et les Autochtones.

Au printemps 2005, une autre entité a été créée, à savoir la Commission sur le futur électoral, présidée par Leonard Russell, directeur d'école à la retraite. Se sont jointes à lui sept autres personnes, deux femmes et cinq hommes. Le déséquilibre des sexes a été signalé au gouvernement avant le début des travaux des commissaires, mais aucun autre membre n'a été ajouté. Il semblait très ironique à certains qu'un organisme chargé de réfléchir à un système plus juste qui reflète mieux la population n'était pas lui-même plus équilibré. Pendant huit mois environ, cette commission a travaillé à l'élaboration d'un modèle, à sensibiliser le public et à rédiger la question du plébiscite. Peu après le début de ses travaux en avril 2005, il a demandé au gouvernement une prolongation de son mandat, car il craignait de ne pas disposer d'assez de temps pour bien s'acquitter de sa tâche. La demande a été refusée, sous prétexte qu'il n'existait pas de raison convaincante de faire autrement. Ce fut le premier d'une série d'incidents et de décisions qui allaient faire échouer la possibilité d'une réforme.

À cause de la grève qui a eu lieu à la fin de l'été et au début de l'automne, la Société...

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