Présidence des comités parlementaires : la perspective de deux députés.

AuthorDubois, Alexis

Dans son classique The Parliament of Canada, C.E.S. Franks décrit les multiples facettes du travail de la Chambre des communes. Pour ce qui est des rôles et responsabilités des présidents des comités permanents, C.E.S. Franks souligne un paradoxe toujours présent en 2012 :

En fait, les présidents portaient trois chapeaux : un, ils devaient s'assurer que les délibérations du comité étaient ordonnées et équitables, le même genre de rôle d'impartialité que celui du Président de la Chambre, deux, ils avaient une part de responsabilité quant à l'efficacité des comités et à la qualité de ce travail, aidaient à organiser et à diriger des enquêtes, et trois, ils étaient chargés de protéger les intérêts du gouvernement lorsque des membres de l'opposition qui siégeaient au comité s'y attaquaient. Pour l'observateur parlementaire, le premier et le troisième rôle d'un président de comité apparaissent ici comme étant en flagrante contradiction. Comment est-il possible d'être impartial tout en protégeant l'intérêt de l'exécutif lorsque l'on provient du parti ministériel, ou l'intérêt des partis d'opposition, dans le cas opposé? Dans les lignes suivantes, cette tension, exposant les limites à l'impartialité des présidents de comités, sera décrite. La position normative à cet effet est qu'il est souhaitable, pour le bon fonctionnement des institutions parlementaires, que les deux premiers rôles, tels qu'expliqués plus haut par Franks, soient bien exercés, quitte à délaisser le troisième.

L'analyse est construite sur une analyse documentaire incluant une discussion menée par la Revue parlementaire canadienne à l'été 2004 avec les Présidents de législatures provinciales et fédérales partout au Canada. Aussi, certains cas exemplaires ont été tirés d'une recherche effectuée par Lynn Matte en 2010-2011 auprès des présidents de comités James Rajotte et Michael Chong dans le cadre du programme de stage parlementaire. Afin de compléter cette recherche, des entrevues avec Michael Chong (président du Comité permanent des langues officielles) et Pierre-Luc Dusseault (président du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique) ont été réalisées respectivement les 8 et 16 mai 2012.

Le Règlement, la cohésion partisane et les intérêts

Un certain nombre de présupposés, appuyés par la documentation et l'observation, doivent être pris en compte pour l'établissement d'un modèle comportemental des députés. D'abord, les députés sont considérés comme étant un prolongement des institutions du système de Westminster, institutions qui se fondent sur le travail en comité soumis à une série de règles, de conventions et de principes (tant explicites qu'implicites) que les députés et groupes parlementaires doivent savoir utiliser pour accomplir leur rôle de législateur.

Pour avoir un bon aperçu des règles auxquelles un député doit se conformer, le Règlement de la Chambre des communes apparaît comme la source première des possibilités législatives. Ainsi, en ce qui concerne les comités, de nombreuses dispositions sont inscrites au chapitre 13 telles que l'affiliation politique de la présidence (article 106.2), les pouvoirs et mandats (article 108) et les activités possibles à effectuer. Puis, afin d'organiser le déroulement des travaux, la détermination de l'ordre du jour (études, projets de loi, nominations, voyages, etc.) et la distribution des temps de parole, les membres d'un comité peuvent proposer des motions à cet effet et peuvent, pour des raisons pratiques ou procédurales, créer un sous-comité du programme et de la procédure responsable de ces questions. Le Règlement s'applique aussi, grâce à d'autres dispositions, à l'ensemble des activités de la Chambre des communes et reste valide d'une législature à l'autre, tant que la Chambre n'en décide pas autrement. Tous les cas imprévus par le Règlement doivent être tranchés par la Présidence de la Chambre.

Tout ne pouvant être écrit, il existe un certain nombre de conventions et pratiques moins formelles propres aux régimes de Westminster, difficiles à énumérer exhaustivement, qui influencent les députés dans le cadre de leur travail législatif. Contrairement aux régimes présidentiels d'inspiration américaine, il existe une convention constitutionnelle sur le gouvernement responsable indiquant que doit démissionner tout gouvernement qui essuie une défaite en Chambre sur une question de confiance (motions de censure, motions que le gouvernement désigne comme des questions de confiance, certaines motions octroyant des crédits, le budget et l'adresse en réponse au discours du Trône). Ainsi, des mécanismes assurant la cohésion partisane ont été développés de manière à assurer davantage de prévisibilité au travail législatif en permettant une coordination accrue des actions individuelles des députés. Autrement dit, en comité, un parallèle entre le secrétaire parlementaire et le whip (en Chambre) est à faire pour le parti gouvernemental, dans la mesure où le premier s'assure que la position du parti est connue auprès de ses collègues. Dans le contexte actuel de la 41e législature, en conséquence, puisque le parti gouvernemental est majoritaire sur l'ensemble des comités, si ce dernier fait preuve de cohésion, avec des décisions confirmées par des votes à simple majorité, cette influence est donc majeure. Pour Michael Chong, président du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, l'analogie entre le secrétaire parlementaire et le whip est même légère, puisque selon lui, << c'est encore pire, les secrétaires parlementaires sont essentiellement gérés par les cabinets des ministres, et tous les secrétaires parlementaires se voient attribuer par le cabinet du ministre un membre du personnel comme adjoint. >> Il en résulte donc que le travail législatif en comité est contrôlé par la branche exécutive en fonction d'objectifs politiques précis, en plus d'être soumis aux règles habituelles de la Chambre des communes. Pierre-Luc Dusseault, président du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, estime que l'analogie pourrait être effectuée non seulement avec le poste de whip, mais aussi avec celui de leader en Chambre :

C'est souvent le secrétaire parlementaire qui indiquera le député qui posera des questions aux témoins et dans quel ordre, c'est lui qui donnera les directives la plupart du temps et il est très rare (durant les réunions du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique) que l'initiative vienne d'un autre député. Les secrétaires parlementaires sont également présents dans l'ensemble des sous-comités du programme et de la procédure lorsqu'ils existent. Du côté de l'opposition, un mécanisme similaire existe. Bien que la Loi sur le Parlement du Canada soit silencieuse à ce sujet, les partis d'opposition ont des porte-paroles sur des enjeux similaires aux mandats des comités. Ainsi, relativement au secrétaire parlementaire et au ministre des Transports lors de la 41e législature, il y a des critiques néo-démocrate et libéral en matière de transports. Comme les secrétaires parlementaires, les porte-paroles ont une influence et une visibilité accrues en...

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