Prise de décisions du pouvoir exécutif : défis, stratégies et ressources.

AuthorMoscoe, Adam

Le pouvoir exécutif du gouvernement exerce un contrôle de plus en plus grand sur la prise de décisions en utilisant un vaste éventail de stratégies visant à élaborer des préférences en matière de politiques et à surveiller leur mise en oeuvre. Par exemple, le Canada a assisté à une << présidentalisation >> de son système parlementaire, caractérisée par une centralisation accrue du processus décisionnel au Bureau du premier ministre (1). Dans une démocratie, les décisions ne sont pas prises en vase clos, et le pouvoir exécutif doit travailler à surmonter de nombreuses difficultés politiques et institutionnelles pour que ses décisions puissent être mises en oeuvre pleinement et de manière appropriée. Puisque les décisions sont de plus en plus attribuées à un seul représentant élu, il est important plus que jamais de bien cerner et d'élaborer des moyens d'atténuer les biais cognitifs et les distorsions qui risquent d'influencer les chefs de gouvernement en raison de leur faillibilité. En l'absence d'une certaine forme d'intervention délibérée, les systèmes démocratiques ne tiennent pas compte, par nature, de la mise en oeuvre exacte des décisions du pouvoir exécutif en raison des problèmes de communication--que connaît toute personne ayant déjà participé à une partie de téléphone arabe--et des structures de rapports hiérarchiques indirects entre les représentants élus et les bureaucrates. Le présent document aborde les difficultés que posent les distorsions cognitives, particulièrement en ce qui concerne la mise en oeuvre des décisions du pouvoir exécutif; il présente également des stratégies visant à atténuer les difficultés en question.

Biais cognitifs qui entravent la prise de décisions judicieuses par le pouvoir exécutif

Lorsque des décisions stratégiques complexes sont prises par des individus, indépendamment de l'ampleur du mandat accordé par l'électorat, les biais risquent d'obscurcir les délibérations et d'entraver le raisonnement logique. Les biais se définissent comme << des phénomènes cognitifs et motivationnels qui conduisent des individus à prendre systématiquement des décisions sous-optimales quant à leur utilité, comme l'expérience le démontre (2) >>. Les répercussions des décisions sous-optimales peuvent être graves, en particulier lorsque le programme national de politique comporte, comme c'est généralement le cas, des enjeux d'importance cruciale pour la vie des citoyens tels que la santé, la sécurité et la protection de l'environnement.

En outre, les biais qui influencent un décideur ne sont pas seulement déterminés à l'interne, mais aussi par de nombreux intervenants qui travaillent en même temps à promouvoir leurs propres intérêts. Les décideurs doivent négocier de tels programmes souvent concurrents. Ils ne peuvent pas prendre une décision qui reflète un certain calcul cumulatif ou moyen des intérêts en cause, mais ils doivent plutôt << faire des jugements de répartition qui favorisent le bien-être de certaines personnes au détriment des autres (3) >>.

Par ailleurs, contrairement aux reporters météo qui établissent des prévisions répétitives et qui reçoivent une rétroaction sur leur exactitude et leur fiabilité de manière opportune, les décideurs doivent constamment prendre de nouvelles décisions dans un environnement où l'information est incomplète et la rétroaction incohérente, à la fois qualitativement et quantitativement (4). La prise de décisions survient à de multiples plans cognitifs, allant d'une confiance en un processus décisionnel << intuitif, non conscient, automatique et rapide >> jusqu'à une pleine et entière participation à une prise de décisions analytique, consciente et relativement lente (5). Ce dernier système requiert un ensemble de compétences, telle l'analyse statistique, qui fait défaut à de nombreux décideurs. Les ministres peuvent avoir à leur disposition des experts en statistique au sein de la fonction publique, mais, lorsque ces derniers formulent des recommandations contradictoires, mais également valides, le décideur est mal outillé pour choisir une recommandation plutôt qu'une autre.

En conséquence, de nombreux dirigeants recourent à la prise de décisions intuitives, ce qui les rend vulnérables aux distorsions suivantes :

* Premièrement, l'effet heuristique s'applique lorsque << les jugements associés au risque sont souvent fondés davantage sur l'intuition que sur une analyse objective (6) >>. Par exemple, l'ancien président américain George W. Bush se définissait lui-même comme << un intuitif qui se fie à son instinct au moment de prendre des décisions (7) >>.

* Deuxièmement, les dirigeants peuvent être réticents à examiner des opinions ou des avenues en raison d'une combinaison des propensions suivantes : a) une confiance excessive; b) un scepticisme motivé--c'està-dire la tendance à ne pas critiquer les arguments qui appuient ses propres croyances; c) la << force gravitationnelle des engagements antérieurs >> pris à l'égard d'alliés, de groupes d'intérêts ou d'autres groupes; et d) le préjugé de confirmation--c'est-à-dire la tendance à rechercher une information qui réaffirme ses croyances ou qui justifie ses préférences (8).

* Troisièmement, les dirigeants peuvent prendre des décisions sous-optimales quand ils sont confrontés à de nombreuses solutions possibles. De même, un faible choix d'options peut produire de piètres résultats. Un équilibre prudent est donc requis entre un trop grand choix de solutions et un choix d'options trop limité (9). Aussi, les avenues possibles doivent être réalisables et ne pas être du genre de celles qu'un dirigeant aimerait rejeter à première vue en raison de bourbiers politiques potentiels ou de difficulté à << vendre >> la politique aux électeurs dans la sphère publique. Lorsque le haut commandement militaire des États-Unis a présenté au président Barack Obama une série d'options en lien avec l'envoi massif de troupes en Afghanistan, il a répondu ceci : << Messieurs, vous m'avez présenté quatre options, dont deux qui ne sont pas réalistes... Ce n'est pas suffisant. Vous m'avez fourni essentiellement une option (10). >>

* Quatrièmement, la préférence pour le présent est la tendance à prendre des décisions fondées uniquement sur des considérations à court terme. Elles sont souvent liées aux cycles électoraux, soit aux périodes durant lesquelles tous les dirigeants politiques sont tenus responsables des décisions qu'ils ont prises pendant leur mandat. Une tendance connexe est de choisir l'inaction en raison des conséquences immédiates associées au choix contraire. Ici, le décideur néglige de prendre en considération << les avantages futurs ou les effets futurs de l'inaction (11) >>. La question est de déterminer quelle période de temps le décideur...

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