Les projets de loi fiscale et la procedure de voies et moyens.

AuthorLukyniuk, Michael

L étude, par le Parlement, des demandes de la Couronne relatives à l'imposition et à la taxation constitue l'une des pierres angulaires de notre régime gouvernemental. Les règles de procédure régissant le dépôt des projets de loi fiscale sont certes assez claires, mais de nombreux aspects parlementaires entrent en jeu et méritent réflexion. Parmi eux, notons le temps et les ressources qu'il faut consacrer à I étude de projets de loi d'exécution du budget de plus en plus volumineux et complexes, les redites dans certains débats, l'inclusion de mesures non budgétaires dans le projet de loi d'exécution du budget, la mise en aeuvre de mesures fiscales avant l'édiction de leur loi habilitante, les répercussions des allégements fiscaux proposés par des députés sur la gestion gouvernementale du plan financier, et l'exclusion de tout débat sur les projets de loi émanant des députés qui proposent des hausses de taxes ou d'impôts. Le présent article se penche sur ces aspects ainsi que sur d'autres qui sont liés aux travaux des voies et moyens.

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L'un des rôles fondamentaux du Parlement consiste à se pencher sur les demandes de la Couronne visant à engager des dépenses ou à lever des taxes ou des impôts. Les procédures de la Chambre qui s'appliquent aux dépenses protègent l'initiative financière de la Couronne en exigeant que toute mesure proposant l'affectation de deniers publics soit accompagnée d'une recommandation royale, que seul un ministre peut obtenir. Les procédures qui s'appliquent à l'imposition et à la taxation diffèrent quelque peu. À moins que l'on envisage de modifier une loi fiscale, les dispositions fiscales s'appliquent d'année en année. Ainsi, chaque fois que la Couronne souhaite lever une nouvelle taxe ou un nouvel impôt, maintenir une taxe ou un impôt qui devrait disparaître, relever le taux d'une taxe ou d'un impôt existant ou élargir à une nouvelle catégorie de contribuables le champ d'application d'une taxe ou d'un impôt, elle le fait par ce que l'on nomme la procédure des >. Il s'agit d'un terme de procédure employé pour désigner le moyen par lequel le gouvernement obtient les recettes nécessaires pour couvrir ses dépenses. Les règles régissant les travaux de la Chambre stipulent que l'adoption d'une motion de voies et moyens (qui prévoit toute amplification de l'incidence fiscale) doit se faire avant la première lecture d'un projet de loi fiscale. Comme seul un ministre peut présenter un avis de motion de voies et moyens, l'initiative financière de la Couronne est ainsi protégée en matière fiscale (1).

La forme générale d'une motion de voies et moyens

Il y a essentiellement deux types de motions de voies et moyens : l'une vise à présenter le budget, et l'autre à présenter un ou plusieurs projets de loi fiscale. Lorsque le ministre des Finances désire présenter un exposé budgétaire, il dépose à la Chambre des communes un avis de motion formulé en termes généraux (c'est-à-dire portant >). Au moment prévu, le ministre présente la motion de pure forme ainsi que le budget, qui est débattu pendant quatre jours. Il dépose aussi, au même moment, des avis de motions de voies et moyens donnant les détails des mesures fiscales contenues dans le budget. Ce dépôt confère au gouvernement l'autorité provisoire d'imposer des taxes ou des impôts dès le jour de l'avis. (Pour de plus amples détails sur cet aspect, voir la partie du présent article intitulée L'application de mesures fiscales avant la promulgation de la loi habilitante.) La motion sur le budget peut être amendée par l'opposition, et des dispositions du Règlement prévoient la mise aux voix des amendements et de la motion principale à des moments précis du débat sur le budget (2). Le rejet d'une motion sur le budget est interprété comme la perte de la confiance de la Chambre à l'endroit du gouvernement.

Lorsqu'un ministre désire présenter un projet de loi fiscale, il doit d'abord déposer à la Chambre un avis de motion de voies et moyens. Dans la plupart des cas, cet avis est essentiellement une ébauche du projet de loi fiscale. Le lendemain, ou à une date ultérieure, la motion est proposée et mise aux voix sur-le-champ, sans débat ni amendement, puisqu'elle vise simplement à présenter la mesure législative. Le rôle de la Chambre consiste alors à se pencher sur cette motion > de voies et moyens et à prendre une décision. Si la motion est adoptée, le gouvernement peut déposer un ou plusieurs projets de loi fondés sur les dispositions de cette motion. Le rejet de toute motion de voies et moyens est interprété, selon la convention parlementaire, comme la perte de la confiance de la Chambre à l'endroit du gouvernement.

Le rapport entre la motion de voies et moyens et le projet de loi fiscale

Les présidents de la Chambre des communes ont été appelés à mieux définir le rapport entre une motion de voies et moyens et le projet de loi fiscale qui s'ensuit. Le Règlement de la Chambre des communes stipule qu'un projet de loi fiscale doit être fondé sur une motion de voies et moyens (3). Dans leurs décisions, les présidents ont expliqué qu'il n'était pas nécessaire que le projet de loi soit identique à la motion, mais que des écarts importants du projet de loi par rapport à l'objet de la motion ne sont pas permis.

En 1974, une motion de voies et moyens prévoyait la taxation des bateaux autres >, tandis que le projet de loi prévoyait une exemption pour >--ce qui constitue une définition relativement plus large. Le président a alors conclu que le projet de loi était suffisamment fondé sur la motion, soutenant que >. Il a toutefois aussi invité le gouvernement à la prudence, expliquant que >.

En 1975, une motion de voies et moyens prévoyait l'exonération d'une catégorie de personnes désignées par règlement, tandis que le projet de loi établissait cette catégorie selon une définition contenue dans une autre loi. Le président a alors statué que deux optiques différentes s'affrontaient et que le ministre devait rédiger des modifications, soit au projet de loi ou à la motion, pour qu'ils se conforment davantage l'un l'autre (5).

En 1978, une motion de voies et moyens visait les résidants des provinces prescrites pour l'année d'imposition 1978, tandis que le projet de loi concernait les résidants d'autres provinces pour l'année d'imposition 1977. Même si ces différences s'appliquaient à une réduction d'impôt, comme la motion de voies et moyens servait de fondement à un projet de loi fiscale, le président a statué qu'une nouvelle motion devait être adoptée pour rendre le projet de loi conforme (6).

La présidence a aussi statué qu'un projet de loi fiscale est fondé seulement sur le libellé d'une motion de voies et moyens, les questions accessoires n'étant pas prises en compte. En 1990, une motion de voies et moyens faisait mention d'un document technique qui n'avait pas été déposé à la Chambre. Ce document traitait d'un projet de taxe de 9 p. 100, tandis que la motion prévoyait une taxe de 7 p. 100. Dans sa décision, le président a expliqué que la mention du document était >, et que la motion prévoyant une taxe de 7 % suffisait et ne tirait aucun des pouvoirs requis des documents diffusés précédemment par le gouvemement (7).

Les projets de loi fiscale

Du point de vue de la procédure, il y a deux sortes de projets de loi fiscale : ceux qui découlent d'un budget et ceux qu'un ministre dèpose de son propre chef.

Les projets de loi fiscale découlant d'un budget ne peuvent être lus une première fois qu'à l'issue d'un dèbat de quatre jours sur le budget et seulement une fois que toutes les motions de voies et moyens afférentes ont fait l'objet d'un vote. Le jour oø l'exposé budgétaire est présenté, le ministre des Finances dépose des avis de motions de voies et moyens portant sur les mesures fiscales (p. ex., des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu, à la Loi sur la taxe d'accise, etc.). L'objectif principal consiste à fournir des informations détaillées sur les mesures fiscales contenues dans le budget et à pouvoir immédiatement les appliquer avant que leur loi habilitante ne soit promulguée (voir la partie ci-après intitulée L'application de mesures fiscales avant la promulgation de la loi habilitante). Ces motions de voies et moyens pourraient servir de motions portant première lecture des projets de loi fiscale auxquels elles se rapportent après le débat sur le budget, mais l'usage veut que le ministre donne un autre avis de motion de voies et moyens portant exécution de l'ensemble des dispositions du budget (y compris des mesures non fiscales). Un examen de l'usage récent révèle que cet avis est habituellement déposé le jour suivant la fin du débat sur le budget. Le lendemain, le ministre dépose la motion de voies et moyens portant exécution de certaines dispositions du budget; celle-ci n'est pas sujette à débat ou à amendement. S'il est adopté, le projet de loi fiscale (appelé projet de loi d'exécution du budget) fait généralement l'objet d'une première lecture le lendemain. Le tableau qui suit indique le temps qui s'est écoulé entre l'exposé budgétaire et...

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