Les projets de loi omnibus en théorie et en pratique.

AuthorMassicotte, Louis

Quiconque serait en quête d'un recueil de statistiques détaillées indiquant combien de projets de loi omnibus ont été déposés et adoptés au Parlement et dans les assemblées législatives provinciales chercherait en vain. Il est facile de trouver ce type de données sur le nombre de projets de loi d'intérêt public, d'intérêt privé, de crédits, d'imposition et de taxation, de projets de loi publics d'initiative parlementaire et d'autres projets de loi du genre. On trouve notamment de tels renseignements dans le merveilleux ouvrage de l'ancien sénateur Stewart, qui a relevé le défi de rendre la procédure parlementaire intelligible pour ceux que j'appellerais les >, c'est-à-dire ceux dont les connaissances du sujet sont supérieures à celles du grand public, sans toutefois excéder celles des spécialistes du Parlement.

Dépouiller les Journaux et les recueils de lois afin de > chaque mesure législative pour la classer dans la bonne catégorie exige certes beaucoup de temps, mais cela n'est pas trop difficile lorsqu'on considère la procédure qui leur est applicable. Ainsi, même s'ils sont officiellement parrainés par un député ou un sénateur, les projets de loi d'intérêt privé doivent être présentés au moyen d'une pétition soumise par une personne physique ou morale ne faisant pas partie du Parlement. Les projets de loi de crédits sont, quant à eux, adoptés selon une série distincte de règles qui prévoient un examen très long des prévisions budgétaires par divers comités, suivi d'un processus extrêmement rapide par lequel les trois lectures du projet de loi se font en quelques minutes. Les projets de loi d'imposition et de taxation nécessitent l'adoption préalable de motions de voies et moyens, et devaient auparavant être étudiés en comité plénier. Les projets de loi émanant du gouvernement, pour leur part, sont parrainés par un ministre et accompagnés d'une recommandation royale. Pour ce qui est des projets de loi publics d'initiative parlementaire, on peut en faire le tri au moyen de l'affiliation politique de leur parrain, etc. Par contre, aucune procédure précise permettant de faciliter les recherches n'est applicable aux projets de loi omnibus.

Le > qui sous-tend un projet de loi omnibus peut s'avérer des plus inoffensifs aux plus controversés. En guise d'exemple d'un objet difficilement contestable, je peux citer la pratique britannique qui consiste à adopter, de temps à autre depuis les années 1860, des lois sur la révision du droit législatif visant à abroger des dispositions devenues caduques. Certains pays du Commonwealth, dont le Canada et l'Australie, ont repris cette pratique. Les constitutionnalistes savent que ces lois adoptées par le Parlement britannique ont abrogé des dispositions de documents constitutionnels canadiens sans pour autant que le Canada n'ait demandé de telles mesures ou qu'il s'y soit opposé, puisque ces lois ne visaient essentiellement qu'à faire le ménage. Des centaines de dispositions pouvaient ainsi être modifiées d'un seul coup par ces lois, dont l'objectif fondamental consistait à retrancher du recueil de lois des dispositions devenues obsolètes ou périmées. Il y a cinq ans, l'Irlande a adopté une loi de cette nature qui a abrogé pas moins de 3 225 mesures législatives : il s'agit là sans doute d'un record mondial!

De tels projets de loi ne suscitent habituellement pas la controverse, mais cela pourrait arriver. En Colombie-Britannique, on les appelle des Miscellaneous Statutes Amendment Acts, et ils sont monnaie courante. Dans l'édition de 2009 (le projet de loi 13), la BC Civil Liberties Association a montré du doigt une disposition, soit l'article 77qui modifiait le Municipalities Enabling and Validating Act de la province pour permettre aux fonctionnaires municipaux dans la région de Vancouver de retirer les affiches non autorisées durant les Jeux olympiques de 2010. Le Conseil des Canadiens, qui a comptait apposer de telles affiches, a lancé une campagne contre le projet de loi (1). Cette mesure controversée a néanmoins été adoptée.

Les Américains possèdent leur propre définition de >. Le Duhaime's Legal Dictionary propose la suivante : >. Comme nous le verrons plus loin, la plupart des constitutions des États américains interdisent le dépôt de projets de loi qui traitent de plus d'un sujet à la fois.

Les projets de loi omnibus ne sont pas nouveaux. Quand cette pratique a-t-elle vu le jour? O'Brien et Bosc soutiennent qu'il s'agit d'une pratique ancienne, citant un projet de loi d'intérêt privé de 1888 visant à confirmer deux accords ferroviaires distincts (3). Des exemples plus récents à partir des années 1950 sont cités par la même source (4). Selon mes souvenirs, la toute première fois où j'ai entendu l'expression > remonte au mois de décembre 1967, lorsque Pierre Trudeau, alors ministre de la Justice, a déposé son projet de loi modifiant le Code criminel. Cet important projet de loi traitait de sujets aussi variés que l'homosexualité, l'avortement, la contraception, les loteries, la possession d'armes à feu, les peines applicables à la conduite en état d'ébriété et le harcèlement téléphonique, en plus de réglementer sur la publicité trompeuse et la cruauté envers les animaux (5). Il avait pour objet de mieux adapter le droit criminel aux réalités modernes, mais on aurait aussi pu dire qu'il visait des sujets fort différents et que bien peu de députés auraient été susceptibles d'approuver chacune des solutions qui y étaient proposées.

Un autre projet de loi omnibus qui a provoqué une vive controverse est le projet de loi C-94 du premier ministre Trudeau, soit la Loi de 1982 sur la...

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