Quelques propositions pour revitaliser le travail en commission.

AuthorPinard, Claude

Aujourd'hui, un certain nombre de parlementaires sentent le besoin de relancer le mouvement de reforme sous l'angle particulier du travail en commission. Ce besoin nait de l'insatisfaction causee par le role devolu aux deputes dans le travail des commissions et par la marge de manouvre qui leur est laissee dans l'organisation, le deroulement et le suivi des mandats qui sont confies aux commissions par l'Assemblee ou qu'elles ont entrepris de leur propre chef. Le depute de Matane M. Matthias Rioux, s'est fait le porte-parole de ce mouvement dans une lettre qu'il adressait, le 3 novembre 1999, au President de l'Assemblee nationale du Quebec. Il exprimait sa deception devant les resultats d'ensemble des commissions parlementaires qui, malgre quelques bons coups occasionnels, sont entravees dans leur travail par de multiples contraintes reglementaires et par un encadrement trop etroit des formations politiques. Cette derniere initiative a amene le President de l'Assemblee nationale a reunir, quelques semaines plus tard, l'ensemble des presidents et des vice-presidents des commissions parlementaires en vue de discuter de la question et d'examiner les mesures a prendre. Au terme de cette reunion, il a ete resolu de former un comite de reflexion sur le travail des commissions. Cet article presente la conclusion de cet comite et les 13 propositions pour revitaliser le travail en commission.

Des progres interessants ont ete accomplis depuis quelques annees. Les commissions sont sur la bonne voie puisqu'elles ont accru leurs activites autonomes et qu'elles exercent davantage leurs pouvoirs d'initiative et de controle. Mais cette tendance est encore trop recente et embryonnaire pour que nous la laissions sur sa lancee sans prendre le soin de la consolider. Il faudra meme, a notre avis, aller plus loin pour revivifier l'esprit de la reforme de 1984. C'est pourquoi on a enonce un certain nombre de propositions visant a ce que les commissions deviennent un lieu de travail encore plus interessant et stimulant pour les deputes.

Si l'on veut que le Parlement redevienne le lieu par excellence des grands debats de societe, il importe de trouver une formule qui se demarque de celles auxquelles nous sommes habitues.

Les parlementaires n'ont pas de forum ou ils peuvent debattre entre eux d'une grande question d'interet pour l'ensemble de la societe, avec un esprit de corps, sans consideration pour la ligne de parti .

Par ailleurs, les commissions parlementaires ont de la difficulte a debattre de ces questions en se donnant des mandats d'initiative. Souvent, la question retenue deborde leur champ de competence. Ou alors c'est que le programme de travail dont elles ont ete chargees ne leur laisse aucun temps pour debattre d'une question d'une telle envergure.

Pourtant, il existe un certain nombre de grandes questions d'interet public qui meriteraient d'etre debattues chaque annee par les parlementaires, en dehors des initiatives gouvernementales ou des preoccupations de l'opposition.

L'idee que nous mettons de l'avant consiste a mobiliser, chaque annee, l'ensemble des commissions parlementaires afin qu'elles entreprennent de concert un vaste mandat d'initiative prioritaire au regard de leurs autres activites autonomes, et qui conduirait, a l'automne, a la tenue d'une seance speciale a l'Assemblee nationale.

Le caractere extraordinaire de la demarche serait susceptible de susciter chez les deputes un interet nouveau pour les mandats d'initiative et d'attirer l'attention des medias.

En vue d'assurer l'efficacite de la demarche et la credibilite de l'exercice, des amendements seraient apportes au Reglement de l'Assemblee afin d'etablir une procedure s'apparentant a ce qui suit:

* Au mois de fevrier de chaque annee, le President de l'Assemblee nationale convoque une conference des presidents et vice-presidents des commissions permanentes.

* La conference des presidents et des vice-presidents determine le theme general qui constituera un mandat d'initiative general pour l'ensemble des commissions au cours de l'annee et qui fera l'objet d'un debat special lors d'une seance a l'Assemblee au cours de l'automne suivant.

* Une conference de presse presidee par le President de l'Assemblee nationale, accompagne des presidents et des vice-presidents des commissions, rend public le theme retenu et explique la demarche des commissions.

* Chaque comite directeur prepare un plan de travail et le soumet a la commission en vue de determiner comment et sous quel angle celle-ci s'acquittera de son mandat.

* Une nouvelle conference des presidents et vice-presidents est convoquee par le president de l'Assemblee nationale pour recevoir les themes sectoriels et planifier la suite des choses.

* Les commissions sectorielles conduisent leurs travaux -- par la voie d'une sous-commission, s'il y a lieu -- et redigent leur rapport.

* Une autre conference des presidents et des vice-presidents est convoquee par le President de l'Assemblee nationale afin de recevoir les rapports sectoriels et de convenir du rapport global.

* Le rapport global est transmis a chacun des membres du Conseil des ministres.

* Une reponse est exigee de chaque ministre concerne par le rapport global dans un delai raisonnable mais prealablement fixe.

* Chaque comite directeur voit a la preparation des questions a transmettre aux ministres en prevision du debat special en seance pleniere a l'Assemblee.

* Les questions sont transmises aux ministres dans un delai minimal precedant la seance speciale de l'Assemblee.

* Au mois d'octobre de chaque annee, le President de l'Assemblee nationale convoque une seance speciale de l'Assemblee nationale afin de tenir une pleniere sur le rapport global des commissions.

* Le President de l'Assemblee nationale dirige la seance speciale et partage le temps de parole de sorte que chaque commission ait le loisir d'exposer le resultat de ses travaux et d'entendre les reactions des ministres concernes.

L'executif est omnipresent dans les travaux parlementaires. Nous avons vu que les ministres ont habituellement tendance a se sentir interpelles par les travaux de toute commission qui ouvre dans le domaine d'activite de leur ministere. D'un autre cote, cette attitude se reflete chez les porte-parole de l'opposition qui, a titre d'interlocuteurs parlementaires privilegies des ministres, tiennent naturellement a defendre le point de vue de l'opposition.

En raison de la presence du ministre, le debat en commission est polarise entre deux personnes. Nous proposons d'accroitre la participation des autres membres des commissions en identifiant quelques mandats au cours desquels la presence des ministres serait inopportune, et d'autres ou elle serait facultative.

Nous sommes convaincus qu'en dehors de circonstances exceptionnelles(1) le ministre n'a pas sa place comme membre d'une commission lorsque celle-ci procede a des consultations publiques, quelle que soit l'origine du mandat. Le ministre devrait etre entendu au debut des auditions publiques, afin d'exposer les grandes lignes de son projet, le cas echeant, ou pour evoquer les orientations gouvernementales sur le sujet etudie par la commission. Il devrait aussi etre obligatoirement entendu a la fin des auditions publiques, afin de partager avec les membres de la commission les conclusions decoulant des auditions. Regle generale, le ministre serait donc non plus un membre, mais un temoin devant la commission. Il serait un temoin privilegie cependant, puisqu'il aurait le loisir d'ouvrir et de clore les deliberations.

Nous croyons que cette facon de faire revaloriserait nettement les fonctions de tous les membres des commissions, tout en attenuant la perception, chez certains groupes, qu'il n'ont pas acces aux veritables decideurs.

Par ailleurs, lorsqu'une commission etudie un projet de loi public de nature technique(2), le ministre ne serait plus tenu d'etre present tout au long de l'etude detaillee. Un adjoint parlementaire pourrait assurer, au besoin, le lien entre la commission et le ministere. Cependant, le ministre serait tenu d'etre present au debut des travaux de la commission ainsi qu'a son terme, pour les memes raisons que celles evoquees anterieurement.

Nous pensons que, si cette experience est concluante, les ministres se sentiront moins tenus d'etre constamment presents en commission et que les membres de ces dernieres seront plus a l'aise de debattre librement des projets de loi.

Nous avons vu que la presence systematique des ministres en commission avait conduit les cabinets ministeriels, les leaders et les whips parlementaires a s'immiscer dans les moindres aspects de l'organisation, du deroulement et du suivi des seances. Court-circuitees par les cabinets politiques, les commissions n'ont pas le loisir de decider des moyens qui leur sont necessaires pour bien se preparer a la realisation de leurs mandats ni de formuler les conclusions et les recommandations a inclure dans le rapport de leurs travaux.

Les presidents et les vice-presidents doivent veiller a proteger l'autonomie de leur commission en associant les parlementaires a la prise de decision concernant l'organisation des travaux. En ce sens, la commission ou, par delegation, son comite directeur doit redevenir le lieu de la prise de decision en ce qui concerne l'organisation, le deroulement et le suivi des travaux.

Par ailleurs, il est anormal que la regle qui limite le nombre de commissions pouvant sieger simultanement empeche les commission de se reunir en seance de travail pour planifier et organiser leurs travaux, ou pour y donner suite. Plus de souplesse est requise a cet egard.

En mai 1999, une entente entre les groupes parlementaires est survenue afin d'eliminer certaines contraintes...

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