Reflexions sur l'etat des medias canadiens.

AuthorMills, Russell

Les inquiétudes au sujet de l'état de la presse sont un thème qui revient constamment dans les affaires publiques canadiennes depuis plusieurs décennies, depuis que le contrôle des médias a été concentré dans une poignée de grandes entreprises. La crainte fondamentale est que cette concentration de la propriété risque de réduire la qualité et l'indépendance de l'information dont les Canadiens ont besoin pour se gouverner.

**********

Dans une société démocratique, les médias jouent un rôle indispensable. Ils fournissent l'information dont les peuples souverains ont besoin pour se forger une opinion sur les grandes orientations des affaires publiques et pour porter un jugement sur la performance de leurs représentants et des dirigeants qu'ils se sont choisis. En l'absence de sources d'information exactes, à jour et indépendantes, la capacité des gens de se former une opinion et de porter un jugement en est amoindrie et la démocratie en souffre. Quand les médias échouent à assumer ces responsabilités, la souveraineté de la population, qui est une caractéristique essentielle de la démocratie, est compromise.

L'indépendance est peut-être la caractéristique la plus vitale de l'information dont ont besoin les citoyens vivant en démocratie. Par >, je veux dire la liberté ou le fait d'échapper à toute pression ou incitatif susceptible de fausser l'information, soit par désir de plaire, soit par crainte des conséquences. Les médias d'information ne doivent subir aucune pression les incitant à offrir une information qui ne soit pas la plus complète et la plus exacte possible. Il ne doit pas non plus y avoir de pression visant à limiter le débat à certains points de vue, à l'exclusion des autres.

L'indépendance par rapport au gouvernement est peut-être l'aspect le plus important de la liberté de la presse, étant donné que le gouvernement contrôle une foule de récompenses et de punitions qui sont susceptibles de causer la distorsion de l'information entre la source et le public.

Comme l'indépendance par rapport au gouvernement est tellement vitale, certains pourraient s'interroger sur la sagesse et même la légitimité d'une étude effectuée par le Sénat sur l'état des médias d'information. On peut soutenir que l'état de l'industrie doit être une affaire privée entre les médias d'information et leurs clients, et qu'aucun organe du gouvernement ou du Parlement ne doit s'en mêler.

Pour ce qui est du contenu rédactionnel des médias d'information, je pense que ces gens-là ont raison. L'indépendance par rapport au pouvoir est tellement vitale que je serais mal à l'aise si un organe du gouvernement ou du Parlement faisait des recommandations sur le contenu rédactionnel des médias imprimés, qui ne sont pas réglementés et ne doivent pas l'être. Les médias électroniques, qui sont régis par une loi du Parlement, sont dans une situation différente, mais, même dans le cas des radiodiffuseurs, l'indépendance vitale du contenu rédactionnel doit être reconnue et respectée.

Je crois cependant que les auteurs de ces remises en question Se trompent quand il s'agit de la structure de l'industrie. Toutes les sociétés ont édicté des règles pour l'attribution des fréquences de radiodiffusion, à cause de la rareté. La plupart imposent des obligations publiques aux radiodiffuseurs et il est courant, dans les sociétés démocratiques, d'imposer des limites au droit de propriété, y compris la propriété croisée des médias électroniques et des autres médias.

Les médias imprimés sont également visés par des règles régissant leur structure. La propriété étrangère est, à toutes fins pratiques, interdite et une partie de l'industrie bénéficie de subventions postales. Ces règles et leur influence éventuelle sur l'information constituent un sujet légitime d'étude de la part d'un comité du Parlement.

Les précédentes enquêtes sur les médias ont eu des résultats limités mais généralement positifs. L'une des raisons pour lesquelles leur succès a été limité est que, dans certains cas, on est allé trop loin en formulant des recommandations qui auraient influé sur le contenu rédactionnel. Le comité spécial du Sénat dirigé par Keith Davey, il y a plus de 30 ans, a débouché sur la création des premiers conseils de presse au Canada. La commission royale dirigée par Tom Kent, qui a étudié l'industrie des journaux il y a plus de 20 ans, a formulé de nombreuses recommandations qui n'ont pas été mises en oeuvre, mais qui ont entraîné la multiplication des conseils de presse partout au Canada.

Il est vrai que les conseils de presse sont des organes imparfaits, mais, ayant siégé à des conseils, ayant témoigné devant eux et ayant eté visé par beaucoup de leurs jugements, je crois que, globalement, leur existence améliore les journaux en les rendant davantage responsables et à l'écoute du public. Par ailleurs, les débats publics au sujet des médias d'information qui ont entouré ces études et enquêtes ont également eu des résultats positifs.

Les travaux du comité du Sénat ont également le potentiel d'exercer une influence positive et même encore plus profonde, si vous évitez soigneusement d'aborder directement la question du contenu rédactionnel. Certaines dispositions qui figuraient dans la loi sur les journaux que l' on avait proposée en 1981 dans...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT