Reflexions sur les transfuges politiques.

AuthorMorton, Desmond

Ayant retenu l'attention du public, certains changements d'allégeance de députés fédéraux ont suscité des questions sur la fréquence d'un tel comportement ainsi que sur le contexte politique et éthique de ces gestes. Le présent article se fonde sur une étude rédigée, à l'origine, pour le Bureau du commissaire à l'éthique de la Chambre des communes en août 2005. Il est reproduit avec la permission de l'auteur et du Bureau du commissaire à l'éthique.

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La formation de partis politiques régis par une discipline unificatrice rend possible le régime parlementaire au Canada tel qu'il est. C'est la conséquence logique, voire inévitable, de la confiance accordée au > au XIXe siècle. Ce type de régime répond aux objectifs de > et > énoncés dans la Constitution, même si ses opposants peuvent toujours nier qu'il constitue également une garantie de >. Pourtant, la plupart des Canadiens démontrent régulièrement qu'ils tiennent à un gouvernement stable, même si, comme l'a observé David Docherty, leur façon de voter crée une forte instabilité dans la députation (1).

La discipline de parti au Canada

Au Canada, la discipline de parti tranche nettement avec ce qu'on observe au Congrès américain. Dans les deux régimes, les partis au pouvoir imposent leur discipline grâce à un système de > (2).

Comme c'est le cas pour la plupart des divergences par rapport au modèle américain, les Canadiens, surtout les citoyens et les régions qui ont l'impression d'être laissés pour compte dans bien des décisions prises par le gouvernement, ne sont pas convaincus des vertus d'une discipline de parti stricte. C'est ce qui explique que les électeurs de l'Ouest du Canada et, à l'occasion, ceux du Québec aient, à maintes reprises, revendiqué que leurs députés représentent véritablement leurs intérêts. C'est pourquoi, depuis l'époque des progressistes, les partis réformistes n'ont eut d'autre choix que d'exiger de leurs députés qu'ils suivent la doctrine du parti. Ce n'est pas un hasard si le Parti progressiste, le Crédit social, la Fédération du commonwealth coopératif (CCF) et le Parti réformiste (puis l'Alliance canadienne) ont compté plus de transfuges que les deux autres partis canadiens traditionnels au cours de la période étudiée (1921-2005). La rigidité de la > contribue-t-elle à l'indiscipline? Dans la foulée de l'élection de 1993, la décision des libéraux de Jean Chrétien de passer outre à leur promesse d'abroger la taxe sur les produits et services a poussé John Nunziata, député de York-Sud-Weston, à voter contre son parti, même s'il savait très bien qu'il serait suspendu en agissant de la sorte. Dennis Mills l'a par la suite imité, démissionnant en douce de son poste de whip du Parti libéral pour pouvoir à son tour exprimer son indignation, bien qu'il ait réintégré le caucus peu de temps après (3).

Sheila Copps a, quant à elle, adopté une autre stratégie, plus audacieuse mais beaucoup plus onéreuse, en démissionnant de son siège et en se faisant réélire dans sa circonscription de Hamilton--Est. Les élections partielles coûtent cher au Trésor fédéral et aux candidats en lice et très peu de députés canadiens ont suivi l'exemple de Mme Copps.

Le tableau 1 montre le nombre de changements d'allégeance politique par année, de 1921 au 1er août 2005.

Les différentes conceptions de la discipline de parti

L'influence des électeurs sur un député ou une assemblée législative est un thème qui revient constamment dans le discours de ceux que la politique canadienne mécontente (4). Les progressistes ont admimblement bien démontré l'importance de ce principe en remportant 65 sièges lors des élections de 1921, principalement dans l'Ouest et les régions rurales, privant ainsi les libéraux de circonscriptions qu'ils auraient possiblement gagnées autrement et les forçant à former un gouvernement minoritaire. Même s'ils étaient le deuxième groupe parlementaire en importance, les membres du Parti progressiste ont refusé de se plier aux conventions régissant la discipline de parti et de former l'Opposition officielle. Cette décision conféra un avantage politique majeur aux conservateurs et priva les progressistes pratiquement de tout pouvoir d'action. Pour reprendre la célèbre expression de W. L. Mackenzie King, ils devinrent des >. Deux députés passèrent immédiatement dans le camp des libéraux pour pouvoir, au moins, jouer un rôle au sein du gouvernement de King, d'autres ont traversé le parquet de la Chambre à titre de > et, d'autres encore, essentiellement des membres d'un groupe informel de députés travaillistes et progressistes dissidents, se sont unis sous la bannière des United Farmers of Alberta, pour ensuite joindre les rangs de la Fédération du commonwealth coopératif (parti agricole...

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