Réforme parlementaire : le chemin parcouru et les orientations potentielles.

AuthorBlidook, Kelly
PositionTable ronde

RPC : Le programme de la conférence du Groupe canadien d'étude des parlements était structuré en toute souplesse autour de trois axes : qu'avons-nous fait, où en sommes-nous et où allons-nous? Je voudrais reprendre une structure semblable ici. Pourriez-vous nous dire rapidement comment le Parlement a changé et évolué au cours des 20 ou 30 dernières années?

JS : En ce qui concerne le réseau des comités de la Chambre, il y a eu au départ, après le Rapport McGrath, des attentes très élevées et un engagement poussé de la part de nombreux députés et notamment de certains présidents de comité. Mais l'attitude a évolué vers une perte d'enthousiasme et, par la suite, quelques-uns des premiers éléments de ce qui semblait l'amorce d'une culture de collaboration entre les partis ont été remplacés par une activité plus constamment axée sur la ligne de parti. Pourquoi cela s'est-il produit? En partie, selon moi, parce que les gouvernements en place ont pris conscience du fait qu'ils avaient moins d'enthousiasme que prévu pour ces nouveaux types de comités. Certes, ces derniers plaisaient aux députés, mais les gouvernements ont constaté qu'ils avaient tendance à s'allier à des intervenants et à concevoir des propositions de plus en plus ambitieuses sans tenir compte de l'aspect pécuniaire. Comme les budgets étaient limités dans les années 1980 et 1990, les gouvernements ont commencé à percevoir les comités comme une source d'irritation. Voilà qui explique peut-être pourquoi les réponses officielles des gouvernements étaient fréquemment ambiguës. Les comités en étaient réduits à se demander si les gouvernements faisaient quoi que ce soit pour donner suite à leurs recommandations. Les députés se sont toujours plaints de ces réponses ambiguës, et il me semble que l'enseignement essentiel à retirer de ceci, c'est que la réforme de la procédure ne modifie pas vraiment la répartition du pouvoir politique ni les facteurs qui influencent le comportement des gouvernements et des parlementaires. En fait, nous devrions plutôt voir là une forme de bonne gestion pour le Parlement. Si on adopte ce point de vue, on peut dire que les comités ont accompli des choses fort utiles, mais qu'ils n'ont pas vraiment modifié de manière fondamentale les relations au Parlement ni les modalités de fonctionnement de l'institution.

PT : Puis-je me permettre d'ajouter quelque chose? Cette question m'a rappelé l'exposé que Kelly a présenté à la conférence sur les initiatives parlementaires. À dire vrai, le message que j'ai retiré de cet exposé se rapproche beaucoup de ce que Jack a décrit : une fois que les gouvernements s'aperçoivent qu'un changement pourrait avoir un effet marqué, ce changement est exploité à des fins partisanes. Quand on a commencé à voir de plus en plus de projets de loi d'initiative parlementaire qui venaient du parti, cela a privé la réforme de son sens. Ces projets de loi n'étaient plus, présentés sous un autre jour, que des mesures proposées par le gouvernement ou l'opposition. Il faut se demander si la modification de la procédure change vraiment la culture, si toutes ces réformes ne sont encore colonisées par la vieille joute partisane.

KB : Je voudrais faire valoir un point semblable. Les réformes qui se sont faites dans le domaine des initiatives parlementaires découlaient également du rapport McGrath. L'idée centrale, c'était de laisser aux députés plus de latitude pour formuler des propositions et veiller à ce que celles-ci fassent l'objet d'un vote alors que, antérieurement, il fallait que les projets de loi des députés soient spécialement choisis pour être mis aux voix. La situation s'est transformée au point où les députés pouvaient présenter autant de projets de loi qu'ils le voulaient, et tous pouvaient faire l'objet d'un vote. En réalité, il est arrivé par la suite que des députés déplorent ce changement, parce que la nouvelle procédure pouvait être détournée à des fins partisanes. Mes recherches ont montré que, entre-temps, nous avons observé des changements qui nous ont semblé utiles. Les députés présentaient des propositions et ils avaient la possibilité de faire des démarches afin de mobiliser un soutien pour ces propositions. Parfois, les lois ainsi adoptées ont eu un effet, direct ou indirect, sur les propositions du gouvernement. Il semble que les députés s'inspiraient directement sur ce que le ministère faisait. Mais tout se termine à peu près comme Jack l'a expliqué à cause du pouvoir des dirigeants des partis, du fait que les députés avaient besoin de l'appui des dirigeants des partis pour demeurer dans le caucus et obtenir l'investiture du parti aux élections suivantes, et ainsi de suite. Telle est la nature des leviers qui sont au fond révélateurs du pouvoir de chaque député au Parlement. Tant que ces leviers ne changeront pas, ce que nous avons observé dans le domaine des initiatives parlementaire se reproduira : le pouvoir se déplace quelque peu à court terme, mais, à long terme, les partis sont parfaitement positionnés pour utiliser les changements à leurs propres fins. Nous avons vu beaucoup plus de projets que le parti voulait voir proposer, et ils étaient le plus souvent adoptés par les partis au pouvoir.

GL : Mon impression générale est très optimiste, après des années de morosité au sujet du Parlement. La raison principale, c'est une évolution de l'attitude, qui doit précéder la réforme. La meilleure illustration est un article que Bill Blaikie (ancien député néo-démocrate) a fait paraître en 2008 dans la Revue parlementaire canadienne. Il y écrivait : > La première indication que nous avons peut-être perçue d'une évolution vers ce sens du pardon est venue au cours de la dernière semaine de la campagne électorale, dans un discours que Justin Trudeau (chef du Parti libéral) a donné à Ottawa. Devant une foule qui l'acclamait, il a déclaré : > Si ce sentiment imprègne la nouvelle législature, la réforme pourra vraiment se faire et nous pourrons avoir un parlement beaucoup plus sain.

JS : J'ai quelque chose à ajouter à ce sujet. Je ne veux pas passer pour un vieil homme blasé, mais ce genre de chose est déjà arrivé par le passé. On dirait que chaque élection fait surgir une cohorte de députés idéalistes qui présument que leur coeur pur et leurs intentions honorables, traits qui les distinguent de tous leurs prédécesseurs, transformeront complètement la situation. Et puis, tout cela se dissipe. Les changements d'attitude se heurtent à des réalités qui sont toujours les mêmes. Il me semble que nous, politologues, devons nous demander quels sont ceux qui ont le pouvoir, pourquoi ils le détiennent et quels sont les facteurs potentiels d'influence de ce qu'ils en feront. Je ne crois pas vraiment que quoi que ce soit ait changé dans tout cela. Mais je ne peux qu'être d'accord avec Gary qu'il est profondément stimulant et rafraîchissant de voir arriver ces nouvelles cohortes un peu plus dynamiques et un peu plus d'optimistes à l'égard du parlement.

GL : Ces déclarations constructives ne viennent pas que de députés récemment élus, bien que, j'en conviens avec Jack, la désillusion est inévitable. Le premier ministre et le leader du gouvernement à la Chambre ont la même attitude.

KB : Je me demande si, au bout du compte, nous allons voir des ministres qui sourient davantage en répondant aux questions ou des différences concrètes dans les résultats. Il est tout simplement trop tôt pour vraiment savoir si l'évolution se fera en ce sens. Je serais sidéré que, tout à coup, les députés aient un peu plus de latitude et de temps pour leurs projets de loi dans le cadre de ce nouveau parlement, mais si cela se produit, ce sera une heureuse surprise. Mais j'ai plutôt l'impression que, dans ce domaine particulier, il serait difficile d'inverser la trajectoire.

PT : Permettez-moi de donner un exemple concret tiré de la situation actuelle? Gary et moi avons discuté de la proposition libérale voulant que les secrétaires parlementaires ne votent plus aux comités. Beaucoup ont vu là, au départ, une manière étrange de dire que les secrétaires parlementaires seraient retirés des comités. En fait, les libéraux y dépêchent toujours le secrétaire parlementaire pour faire valoir la position du gouvernement. C'est l'une de ces réformes qui permettent de dire qu' on a fait quelque chose, mais si le résultat concret, c'est d'avoir toujours quelqu'un sur place pour affirmer la position du gouvernement et garder à l'oeil les députés ministériels, alors on peut dire que la réforme semble bonne, mais les faits ne montreront pas nécessairement qu'il y a des changements dans la pratique. Il est très étrange que, malgré tout ce qu'on dit des pouvoirs à donner aux simples députés, on n'est pas nécessairement prêt à relâcher les guides et à laisser les députés travailler dans les comités en toute indépendance. Cette réforme, en particulier, m'a rendu très sceptique. Mais nous verrons bien comment les choses évolueront. L'un des problèmes que nous avons maintenant, c'est qu'on réclame en ce moment deux > pour étudier l'un, l'aide au suicide et l'autre, la réforme électorale. L'une des démonstrations les plus probantes de l'engagement du gouvernement à travailler avec les parlementaires, ce sera le sens qu'on donnera à cette expression de comité multipartite : tous les partis...

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