Regard critique sur le traitement des dossiers d'électeurs : réalité d'un bureau de circonscription de l'Ontario.

AuthorMcKenna, Bruce

Les dossiers d'électeurs font partie intégrante de la conception que se font de nombreux parlementaires de leur rôle et responsabilités à titre de représentant démocratiquement élu par leurs concitoyens. Pourtant, dans les travaux de recherche universitaire, cette notion n'est pas souvent distinguée des autres responsabilités envers les électeurs. Dans le présent article, l'auteur s'appuie sur sa propre expérience en tant qu'ancien adjoint de circonscription pour un député provincial de l'Ontario ainsi que sur une analyse de documents pertinents pour faire valoir que le modèle actuel de gestion des dossiers des électeurs pose un certain nombre de dilemmes éthiques pour les parlementaires fédéraux et provinciaux. Il commence par examiner isolément le concept, en en proposant une définition pratique, et pose des questions fondamentales sur sa nature et son objectif. Selon lui, le traitement des dossiers est un domaine qui n'a presque aucun caractère officiel, pour lequel les élus ne sont pas explicitement mandatés dans la loi ni la procédure parlementaire. L'absence de règles se traduit par des dilemmes et des questionnements quotidiens pour le personnel et les députés. Ensuite, il observe qu'une fonction floue de prestation de services apolitique s'est implantée dans le bureau de circonscription au fil du temps et examine la contradiction entre, d'une part, le rôle de prestataire de services et, d'autre part, le caractère forcément politique d'un bureau de circonscription. Il avance également que le volume de demandes aux politiciens pour résoudre des problèmes personnels peut découler de problèmes bien précis de politiques publiques. Il conclut en appelant à une plus grande reconnaissance officielle et normalisation du mandat lié à la gestion des dossiers pour les législateurs fédéraux et provinciaux.

**********

Les politiciens, le personnel politique et une bonne partie de la population considèrent le travail de circonscription comme étant l'une des tâches fondamentales des représentants élus. Lors d'entrevues, certains députés fédéraux sortants ont mentionné qu'aider les électeurs à résoudre des problèmes personnels avait été l'un des aspects les plus gratifiants de leur mandat. D'autres députés vantent le travail des adjoints de circonscription, qu'ils voient comme un soutien essentiel, mais qui sont souvent oubliés (1). La plupart des analyses universitaires présentent le travail de circonscription comme le rôle de représentant des députés, envisageant le > comme englobant un vaste éventail d'activités se déroulant dans la circonscription, notamment la participation à divers événements et l'exercice d'autres rôles de réseautage (2). Selon les auteurs de la récente étude intitulée Representation in Action, établir des relations avec les électeurs en leur offrant des services est une façon parmi tant d'autres qu'ont les politiciens d'effectuer leur travail de >.

Peu d'analyses publiées au Canada se sont attardées à jeter un regard critique sur le traitement des dossiers d'électeurs en tant que concept distinct. C.E.S. Franks a constaté que, vers 2007, les bureaux de députés fédéraux traitaient surtout des cas relatifs aux programmes de certains ministères comme Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Santé Canada, Citoyenneté et Immigration Canada et l'Agence du Revenu du Canada, souvent au sujet des prestations et de ce qu'il advenait des chèques (4). Les auteurs de Representation in Action parlent du > que les députés délèguent souvent au personnel politique, qui lui, dit se voir comme >. Pour sa part, Louise Cockram décrit le rôle des députés dans leur circonscription en NouvelleÉcosse à la fois comme un rôle d'> en ce qui concerne l'appareil gouvernemental provincial et de >, qui peut comprendre presque tout. Mme Cockram soutient que ce rôle > et que son lien avec les fonctions de député à titre de législateur n'est pas clair (6).

Bien qu'il ait été largement observé que les dossiers personnels de ce type représentent une très grande partie du temps investi par le personnel local, les résultats de la recherche du Centre Samara indiquent qu'il existe une certaine ambivalence parmi les députés quant aux exigences liées au traitement des dossiers. Les personnes interrogées ont avancé l'idée intuitivement que la responsabilité première des représentants élus devrait être de contribuer à l'élaboration de politiques et de solutions à l'échelle des systèmes plutôt que d'aider seulement les personnes à accéder aux services gouvernementaux. De par leur nature, les bureaux politiques sont également mal adaptés pour offrir des services équitables. Ils n'ont pas de mandat officiel à cet égard, et les dossiers des électeurs ne sont pas confiés aux successeurs d'un siège (7). Certains observateurs, dont Peter MacLeod et le Centre Samara, proposent un éventail de réformes institutionnelles afin d'officialiser et de simplifier le rôle de prestataire de services des bureaux de circonscription. Par exemple, convertir le personnel de circonscription en fonctionnaires non partisans et intégrer les bureaux de circonscription à des > civiques permanents, qui comprendraient des bureaux de représentants élus de tous les ordres de gouvernement (8).

L'objectif de cet article est d'exposer certains aspects fondamentaux entourant le concept précis du >, qui se distingue des autres responsabilités envers les électeurs. Mon propos sera inspiré de ma propre expérience comme ancien adjoint de circonscription pour un député provincial de l'Ontario et, à partir d'une analyse de documents pertinents, je démontrerai que le modèle actuel de traitement des dossiers de circonscription pose un certain nombre de dilemmes d'ordre éthique que les parlementaires fédéraux et provinciaux doivent résoudre. Tout d'abord, j'examine le concept du traitement de dossiers isolément, en en proposant une définition concrète, et je pose des questions fondamentales sur sa nature et son objectif. Selon moi, le traitement de dossiers est un domaine qui n'a presque aucun caractère officiel, pour lequel les élus ne sont pas explicitement mandatés dans la loi ni la procédure parlementaire. L'absence de règles se traduit par des dilemmes et des questionnements quotidiens pour le personnel et les députés. Ensuite, je souligne qu'une fonction floue de prestation de services non politique dans les bureaux de circonscription s'est implantée au fil du temps, et je parle de la contradiction entre, d'une part, le rôle de prestataire de services et, d'autre part, le caractère forcément politique d'un bureau de circonscription. De plus, j'avance que la quantité de demandes reçues par les politiciens pour résoudre des problèmes personnels peut résulter de problèmes particuliers dans les politiques publiques. Toute la quantité de travail à effectuer, surtout dans les circonscriptions urbaines, n'a rien de réjouissant. Je conclus en préconisant une plus grande officialisation et normalisation du mandat lié au traitement de dossiers pour les législateurs fédéraux et provinciaux.

En quoi consiste le traitement de dossiers?

L'expression > est parfois utilisée dans des publications savantes pour décrire le rôle des élus en Amérique du Nord. Un article de 2016 du politologue Royce Koop, qui s'appuie sur des écrits reconnus publiés aux Etats-Unis, présente le travail en circonscription comme un sous ensemble de la > et l'associe à deux rôles : > d'une part, et > d'autre part. D'autres sources savantes traditionnelles aux Etats-Unis qualifient elles aussi le travail en circonscription de fonction intermédiaire qui incombe aux députés du fait qu'ils ont accès au gouvernement et à l'administration publique (9).

Or, ces descriptions du travail en circonscription ne rendent pas pleinement compte de la réalité quotidienne que vivent de nombreux employés des circonscriptions. En particulier, le mandat de > qui leur revient de fait outrepasse de loin leur lien avec l'administration publique. C'est pourquoi j'aimerais proposer une définition fonctionnelle du travail en circonscription, autrement dit une définition qui illustre la répartition actuelle du travail dans les bureaux politiques au Canada, sans pour autant formuler de définition rigoureuse en vue de débats d'experts sur la théorie de la représentation.

Concrètement, on peut concevoir le travail en circonscription comme celui effectué par les élus et leur personnel en réponse aux demandes de leurs électeurs, qui ont besoin d'aide pour résoudre des problèmes liés à leur situation personnelle. Les élus et leur personnel peuvent alors renseigner les électeurs sur les programmes gouvernementaux, les organismes locaux et tout autre type de ressources susceptibles de leur être utiles. Ils sont également appelés à communiquer avec diverses entités comme des ministères, mais c'est plutôt rare--pour défendre les intérêts des électeurs. Les demandes des électeurs concernent rarement des politiques; elles concernent principalement...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT