Les solutions des regions aux defis de la reforme electorale.

AuthorCarty, R. Kenneth

Il n 'y a pas deux systèmes politiques démocratiques qui organisent leurs élections de la même façon. Conscients de l'importance d'une concurrence démocratique entre les partis dans l'organisation et la gestion du pouvoir politique, les groupes sociaux se dotent de systèmes électoraux qui reflètent leur histoire, s'adaptent à leurs particularités et conviennent à la classe politique appelée à s'en servir. L'auteur se penche sur l'approche adoptée par plusieurs autorités législatives canadiennes qui ont examiné la question de la réforme électorale.

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André Blais et ses collègues ont démontré récemment qu'un des facteurs les plus puissants à avoir favorisé l'adoption de la représentation proportionnelle (RP) au début du XXe siècle a été la conviction transnationale grandissante que cette formule était plus démocratique (1). Après la vague de réformes qui a mené à l'adoption de la RP dans de nombreux pays, la transformation des systèmes électoraux a carrément quitté la plupart des programmes politiques (sauf peut-être en France)jusqu'à la dernière décennie du siècle, oø elle a soudain refait surface. Aujourd'hui, nous traversons une autre période oø les forces mondiales de la démocratisation remettent les changements de système électoral à l'ordre du jour.

Si puissant qu'ait été l'impératif mondial de développement démocratique libéral depuis une quinzaine d'années, il n'y a pas deux pays ni deux populations qui ont réagi de la même manière. Chacune a cherché une solution régionale bien particulière face au monde en mutation. Et, en cela, les Canadiens n'ont pas agi différemment. Pris dans le débat du déficit démocratique, et frustrés par les tentatives ratées de pousser plus loin la réforme constitutionnelle, ils en sont venus, eux aussi, à se demander si la réforme de leurs institutions électorales ne pourrait pas rendre le nouveau siècle plus démocratique.

Aux yeux d'un grand nombre, écrire Canada et réforme électorale dans la même phrase peut constituer un oxymoron politique. Après tout, le pays est une des rares grandes démocraties parlementaires qui persistent à utiliser un système hérité du XIXe siècle pour élire ses législateurs. Cependant, malgré le recours généralisé à la formule uninominale à scrutin majoritaire (ou système majoritaire), les Canadiens ont une expérience considérable d'autres mécanismes électoraux. Les circonscriptions plurinominales -- habilement employées pour tenir compte des divisions religieuses ou linguistiques -- ont existé pendant longtemps dans le système fédéral et n'ont disparu que récemment de la carte de plusieurs provinces. Des systèmes fort différents aussi -- faisant appel aux principes de la majorité et de la proportionnalité -- ont été utilisés dans plusieurs provinces au XXe siècle. Mais jamais encore le pays n'a semblé avoir aussi bien saisi l'esprit de l'époque et s'être engagé véritablement dans un programme de réforme électorale.

Il n'existe pas de réponse facile ou évidente à la question de savoir pourquoi les Canadiens parlent sérieusement de réforme électorale aujourd'hui. Il ne fait aucun doute que certaines manifestations récentes de notre système majoritaire uninominal ont suscité un mécontentement général. Il arrive que le parti recueillant le plus de votes ne gagne pas -- comme au Québec, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique dans les années 1990. Il se peut que l'opposition soit si dégarnie qu'elle ne puisse pas jouer son rôle essentiel, comme en font foi les résultats obtenus récemment à l'Île-du-Prince-Édouard et au Nouveau-Brunswick. Ou encore, des partis sont surreprésentés ou sous-représentés à répétition comme le Parti Québécois et le Nouveau Parti démocratique. Mais il n'y a rien de nouveau à tout cela. Plusieurs premiers ministres fédéraux et des premiers ministres dans presque toutes les provinces ont pris le pouvoir avec moins de votes que leurs adversaires, certains partis ont raflé des législatives à bien des occasions, et la plupart des petits partis ont presque toujours été injustement représentés. Pourtant, aucun de ces phénomènes n'a suscité assez de mécontentement pour faire de la réforme électorale un enjeu politique viable par le passé.

Si la réforme électorale figure aujourd'hui à l'ordre du jour au Canada, c'est parce que les leaders politiques l'y ont inscrite. Il est facile de penser que les élus sont les derniers à vouloir changer un système qui les a portés au pouvoir, mais les chefs de parti de la génération actuelle nous portent à réévaluer cette idée. Le premier ministre Martin a beaucoup parlé du déficit démocratique pendant sa campagne et a ensuite fait changer certaines pratiques législatives. Si sa vision de la réforme ne s'étend pas beaucoup au-delà de la cité parlementaire, il n'en va pas de même pour ses collègues des provinces. Les premiers ministres de la moitié des provinces se sont délibérément engagés dans une réforme du système électoral et doivent faire en sorte qu'elle est prise au sérieux. Ces réformateurs n'appartiennent pas tous à une même catégorie : ils sont premiers ministres d'une grande ou d'une petite province, nouveaux venus ou vieux routiers, élus par une majorité très mince ou très imposante, libéraux ou conservateurs. Sans l'attribuer à un concept de << grand personnage de l'histoire >>, mon interprétation est que ces premiers ministres ont senti le vent du changement qui caractérise la période contemporaine et vëulent avancer avec lui.

Le défi de la réforme électorale donne lieu, en général, à des solutions bien régionales. Les travaux de Sarah Birch sur l'Europe de l'Est révèlent qu'après le démantèlement du régime soviétique, les nombreux États nouvellement créés se sont empressés de concevoir leur propre réponse au problème du système électoral -- et aucun d'entre eux n'a adopté la même formule (2) Il n'est pas étonnant que l'histoire se répète à peu de choses près au Canada.

Certes, le caractère fédéral du Canada permet, certains diraient même encourage, des réponses régionales aux difficultés stratégiques communes. Et, à mesure que les provinces prenaient des initiatives, l'originalité de leurs solutions se manifestait à trois...

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