Le statut du francais en Alberta: une replique.

AuthorNeitsch, Alfred Thomas
PositionUne critique des arguments d'Edmund Aunger dans un numero precedent de la Revue (ete 2009

Dans un numéro précédent de la Revue (été 2009), M. Edmund Aunger a soutenu que l'Alberta a l'obligation constitutionnelle d'être officiellement bilingue. Voici une réplique selon laquelle la position de M. Aunger va à l'encontre de la tradition multiculturelle de l'Alberta: D'aucuns ont entretenu des conceptions fausses quant aux fondements de la société dans l'Ouest canadien, particulièrement en Alberta. De ce fait, l'Ouest canadien n'a pas été justement considéré en sa qualité de société inclusive et on a fréquemment reproché à ses citoyens d'être intolérants. On a critiqué à maintes reprises le soutien de longue date de l'Alberta au multiculturalisme plutôt qu'au bilinguisme officiel, de même qu'à l'égalité plutôt qu'à la hiérarchie, position qu'appuie la majorité de la population de la province. Une troisième force est à l'oeuvre en Alberta, une force composite regroupant des éléments multiculturels. Notre article critique les arguments d'Aunger et propose une approche différente de la langue et de la culture dans l'Ouest canadien.

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J'ai la conviction qu'il est possible de démontrer que, pour des motifs d'ordre constitutionnel, politique et culturel, la position défendue par M. Aunger viole une ancienne tradition du multiculturalisme en Alberta.

La position constitutionnelle

Dans son argumentaire, M. Aunger ne fait pas la distinction entre Sa Majesté pour le Manitoba et Sa Majesté pour les Territoires du Nord-Ouest. Mëme si sir Adams George Archibald, sir Francis Johnson et Alexander Morris ont occupé le poste de lieutenant-gouverneur du Manitoba et le territoire distinct des Territoires du Nord-Ouest, aucune loi du Manitoba ne s'appliquait automatiquement aux Territoires du Nord-Ouest. Qu'on songe aux nombreux territoires appartenant à la Reine Élizabeth II. Elle peut régner sur le Royaume-Uni, ou le Canada, ou l'Australie, ou encore la Nouvelle-Zélande. Une déclaration royale à Londres n'a pas force contraignante pour Ottawa, Canberra ou Wellington.

Dans son interprétation de R. v. Caron, M. Aunger affirme qu'avant le transfert des prérogatives du monarque canadien au gouverneur général en 1947, un gouverneur général était habilité à émettre une proclamation (le 6 décembre 1869) qui avait l'effet d'un document constitutionnel. Ce n'est pas le cas! La Partie VII de la Loi constitutionnelle de 1982 dispose que seuls les documents énumérés en annexe ont valeur de document constitutionnel. L'annexe n'énumère que la Loi de 1870 sur le Manitoba, et l'arrêté en conseil de Sa Majesté, en date du 23 juin 1870, admettant la Terre de Rupert et le Territoire du Nord-Ouest dans l'Union, comme étant des documents constitutionnels, de 1868 à 1870 inclusivement.

Même si la prémisse de M. Aunger est acceptée par les tribunaux, alors qu'elle est contraire à la Partie VII de la Loi constitutionnelle de 1982, Sa Majesté l'actuelle Reine pour l'Alberta possède le pouvoir suffisant pour renverser les décisions précédentes d'un gouvernement colonial. De plus, la Loi constitutionnelle de 1867 donne aux provinces le pouvoir d'établir des arrangements leur donnant le contrôle des biens et des droits civiques, à l'article 91 (13), tandis que les droits linguistiques relèvent largement du pouvoir discrétionnaire des provinces, sauf les droits à une éducation en français, qui sont prévus à l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982. Si un tribunal estime que le gouvernement de l'Alberta n'a pas le pouvoir de déterminer la langue officielle conformément aux principes démocratiques, il devrait garder à l'esprit le tait que les prérogatives de Sa Majesté pour l'Alberta, bien qu'ils soient en veilleuse, ne sont absolument pas obsolètes.

Questions politiques

Notre critique suivante découle du tait que M. Aunger n'a pas pris en compte le degré de contrôle que les autorités détenaient véritablement dans un contexte colonial. La Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de 1869 prévoyait tin lieutenant-gouverneur exerçant un pouvoir personnel sur les Territoires, en suivant les directives du gouvernement canadien. La Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de 1875 prévoyait un Conseil législatif, mais c'est le lieutenant-gouverneur qui a nommé ses premiers membres. Il a fallu attendre 1884 pour que les membres élus du Conseil du Nord-Ouest l'emportent en nombre sur les membres nommés. La Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de 1888 a créé une Assemblée législative, dont tous les membres seraient élus. De nombreux chercheurs estiment que l'année 1888 marque la fondation du gouvernement responsable dans les Territoires du NordOuest. Toutefois, comme le fait remarquer Cecil Lingard, le pouvoir de > [traduction]. Il apparaît donc clairement qu'un gouvernement pleinement responsable n'avait pas encore été établi en 1888. Pour être tout à tait responsable, le gouvernement a dû attendre jusqu'à la création des provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan, et les premières élections démocratiques tenues dans ces territoires en 1905. Comment peut-on, en notre âme et conscience, convenir d'être liés par des décisions rendues par des gouvernements non responsables ou des responsables non élus? Comment des décisions prises il y a longtemps par des gouvernements non responsables peuvent-elles avoir préséance sur des décisions prises par des gouvernements contemporains responsables et dûment élus? Cela va à l'encontre de la tradition mëme de la démocratie au Canada. À ce stade-ci, il convient de citer James Tully, qui affirme que > [traduction].

Questions culturelles

Autre critique : M. Aunger insiste trop peu sur la nature des populations métisses, sauf pour constater qu'il s'agissait d'acteurs francophones. Peut-être n'est-ce pas un affront volontaire, mais arrêtons-nous aux autres héritages européens que se reconnaissaient les Métis. Nonna J. Milton a fait remarquer que des générations de commis et négociants écossais de la Compagnie de la Baie d'Hudson sont...

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