Table ronde : l'impartialite de la presidence.

AuthorBissonnet, Michel

La confiance en l'impartialité du président est une condition indispensable au bon fonctionnement de la procédure. Bien des conventions ont pour objet d'assurer son impartialité, mais elles diffèrent d'une assemblée législative à l'autre. Ce sujet a été l'objet d'un débat lors de la Conférence des présidents d'assemblée canadiens, qui s'est tenue à Ottawa en janvier 2004.

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Le président Michel Bissonnet (Québec): Il y a deux conditions indispensables pour être un bon président : l'indépendance envers l'exécutif et l'impartialité à l'égard de tous les députés.

Qu'est-ce que l'impartialité parlementaire? Premièrement, le président doit défendre les droits et privilèges de tous les députés sans exception. Il doit protéger les droits de la minorité en s'appuyant sur les principes fondamentaux du parlementarisme. Le président doit être à l'écoute de tous les députés. Je pense à la situation politique que nous vivons dans nos parlements respectifs. Selon moi, le président doit être de plus en plus à l'écoute de tous ses députés et rendre ses décisions au mérite des revendications, sans égard aux fonctions occupées par les parlementaires. Il doit appliquer le Règlement avec fermeté pour tous. Il doit appuyer les décisions sur le Règlement, la jurisprudence et les usages. Il doit être respectueux des fonctions des leaders et des whips et savoir transiger avec eux.

Le président doit aussi s'abstenir d'influencer les débats ou d'intervenir dans les discussions à l'Assemblée et se rappeler régulièrement qu'il est le serviteur de tous les députés et de l'institution. Différents moyens sont prévus par l'institution elle-même pour soutenir l'impartialité du président.

D'abord, on assiste, depuis une quinzaine d'années, à des élections du président au scrutin secret. Cela a commencé à la Chambre des communes et l'Ontario a suivi. Au Québec, nous avons eu deux élections au scrutin secret. La troisième élection était prévue au mois de juin. Cependant le Règlement de l'Assemblée nationale n'ayant pas été modifié, il fallait tenir une élection au scrutin secret par consentement. Le 3 juin, il n'y a pas eu de consentement lorsqu'on s'est réuni. Donc, j'ai été élu par vote secret à l'intérieur de ma formation politique.

Autrement dit, ce ne sont pas tous les membres de l'Assemblée nationale qui ont voté. Faute de consentement, le vote a été tenu à l'intérieur de ma formation politique. Le premier ministre a proposé la nomination selon le résultat du vote qui a été tenu à l'intérieur du parti. On ne connaît donc pas le résultat, comme cela se fait pour les votes dans les assemblées législatives.

Le fait d'élire un candidat par scrutin secret peut apporter des surprises. Lors d'une élection, l'appui des députés pour un candidat risque d'être différent de celui du premier ministre. Cela confère une indépendance d'action et de la crédibilité au président. L'impartialité du président est renforcée par l'élection au vote secret.

Parlons maintenant de l'aspect cérémonial, de la tradition et du décorum. Dans chaque Assemblée, il y a l'entrée du président. C'est la parade. Cela donne un prestige exceptionnel au président. Lorsque le sergent d'armes annonce >, tous les gens se lèvent dans l'Assemblée. Il y a aussi la masse qui représente son autorité. On veut donc souligner visuellement l'impartialité du président par son entrée et par sa façon de se comporter dans son Assemblée. Dans la majorité des Assemblées au Canada, le président porte encore la toge. Au Québec, cela fait plus de 35 ou 40 ans que la toge n'est plus portée par le président et les vice-présidents.

Celui-ci a le soutien d'un personnel neutre, soit les greffiers de la table. J'ai travaillé 17 ans à la Ville de Montréal au bureau du greffier. Je connais le système des greffiers, qui sont les collaborateurs les plus précieux d'un président. Lorsqu'un président est efficace, c'est parce qu'il a une bonne collaboration avec ses greffiers à la table. C'est la première priorité.

Le secrétaire général de l'Assemblée nationale et son équipe apportent un soutien extraordinaire à son président, qui qu'il soit, et cela renforce toujours l'impartialité du travail du président.

Comment un président peut-il demeurer un député actif et conserver son impartialité? La situation est claire à Londres. Dès son élection, le président rompt tous liens avec son parti politique. Au Canada, Beauchesne affirme, afin que soit conservée son impartialité absolue, qu'il est d'usage que le président renonce à tous les liens officiels qu'il pourrait entretenir avec son parti. Il ne participe pas aux réunions du parti ni à aucune forme d'activité politique partisane.

Au Québec, le président ne participe jamais aux caucus de son parti. Il n'assiste pas aux réunions partisanes, aux congrès de sa formation politique et aux conseils généraux. Il est impartial. J'ai été vice-président pendant neuf ans, quatre ans et demi avec le gouvernement libéral et quatre ans et demi comme vice-président faisant partie de l'opposition.

Donc, j'ai respecté, comme mes collègues vice-présidents, un devoir de réserve. Les vice-présidents ont un devoir de réserve, mais ils vont aux caucus. Ils font de la politique partisane et font des campagnes de financement. À Québec, nous sommes très sévères de ce côté.

Depuis que je suis président de l'Assemblée nationale, je me dois d'être impartial. Je me demande si je pourrai contribuer à ma formation politique sur le plan du financement. Je n'en suis pas rendu là. Cette impartialité me touche profondément. C'est difficile.

On doit éviter de participer à des cérémonies officielles en présence de dirigeants de son parti d'origine. Par exemple, si dans ma circonscription, un ministre du gouvernement fait une annonce, je ne serai pas présent parce que c'est un dirigeant du gouvernement, en l'occurrence un ministre. C'est sévère.

Ma circonscription fait des campagnes de financement. Le député aide beaucoup dans une campagne de financement. Il faut appeler les gens et, pour ce faire, il faut être au téléphone. Depuis ma nomination en tant que président, je ne touche pas au recrutement ni à la campagne de financement. Celle-ci se fera avec mes militants et je ne pourrai y être présent. C'est une situation difficile à expliquer à des commettants.

Lors de mon élection en tant que président, j'ai réuni l'exécutif de mon association pour lui dire que, dorénavant, je me devais d'être impartial et qu'il était de mon devoir de veiller à ce qu'il n'y ait plus de politique partisane, de quelque façon que ce soit, à l'intérieur de mon bureau de circonscription. Un de mes militants qui m'appuie depuis longtemps a dit un jour qu'il pensait que je n'étais plus libéral ou pas autant qu'il le pensait. Je n'ai pas changé, mais mon rôle a changé. On doit éviter de se prononcer sur des questions nationales, surtout si elles sont controversées. Je reçois, à l'Assemblée nationale, 200 courriels par semaine. Lorsqu'un citoyen, qui qu'il soit, vous envoie un courriel, il faut y répondre. Il n'y a rien de pire que de recevoir un courriel d'un citoyen et de ne pas y répondre. Il nous renvoie un courriel la semaine suivante. Le président doit répondre, mais doit toujours répondre en fonction de son impartialité. Il faut transmettre l'information avec délicatesse. Une demande exige une réponse et une réponse se fait dans l'impartialité. On ne peut donner une opinion, à moins que ce soit sur un sujet très local. Prenons l'exemple de notre ancien président, M. Jean-Pierre Charbonneau, député de Borduas, qui s'est prononcé publiquement en faveur d'un train de banlieue qui partait de son comté de Saint-Hilaire à Montréal. Lorsqu'il s'agit d'un problème local, il n'y a pas de difficultés.

Nous devons tout de même, et c'est vital pour nos citoyens, jouer notre rôle d'intermédiaire auprès de l'administration gouvernementale. Les citoyens font leurs demandes au niveau provincial. Environ 80 p. 100 des problèmes quotidiens des citoyens, comme ceux touchant la CSST, les accidents de travail, la régie des rentes, l'assurance automobile, la santé, l'éducation, doivent être dirigés au bureau du député, parce qu'ils sont de compétence provinciale. Le président est député et il doit s'occuper de ses citoyens. Il doit leur apporter sa collaboration pour faire cheminer chaque dossier d'une façon approprié. Il ne peut pas intervenir comme président pour un député d'une autre circonscription. Il est fréquent que des citoyens qui nous connaissent bien nous demandent d'étudier le dossier de membres de leur famille habitant une circonscription différente. Si j'accepte de représenter un citoyen qui n'habite pas ma circonscription, je ne peux agir comme président de l'Assemblée nationale. Je dois le faire comme président à l'intérieur de ma circonscription mais pas à l'extérieur de celle-ci. Il faut faire attention...

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