La transformation de la peiode des questions.

AuthorConley, Richard S.
PositionDe 35e a la 40e legislature

Le présent article contient des données descriptives sur le nombre d'interventions du premier ministre pendant la période des questions de la 35e à la 40e législature, englobant les gouvernements Chrétien, Martin et Harper. Répertoriant un total de 7 227 questions, cette étude classe les réponses des premiers ministres par secteur de politique et contrôle le nombre de réponses qui concernent l' éthique et les scandales, que le gouvernement soit majoritaire ou minoritaire. Elle met en relief la croissance étonnante des interventions des premiers ministres d'un point de vue comparatif et historique, avec l'avènement de quatre partis politiques à la Chambre des communes. L'analyse donne à penser que, bien que les scandales aient constitué une composante centrale de la période des questions pendant les gouvernements Chrétien et Martin, et, dans une moindre mesure, dans le dernier gouvernement minoritaire Harper, les allégations d'actes répréhensibles ont, en général, représenté moins du tiers de toutes les questions auxquelles a répondu un premier ministre de 1994 à 2011.

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Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la détérioration de la période des questions ces dernières décennies. La première est que la responsabilité en revient à l'atomisation du système canadien des partis. Les élections fédérales de 1993 ont fait accéder à la Chambre un minimum de quatre partis de bonne taille qui ont conservé leur place au Parlement jusqu'aux élections de 2011. Il en a résulté une explosion du nombre de questions posées au gouvernement, ce qui a sans doute compliqué la tâche du président pour ce qui est de faire respecter la règle des 35 secondes, les partis d'opposition donnant de la voix pour retenir l'attention (1). Selon une deuxième critique, la période des questions est devenue l'incarnation d'une vie politique qui se nourrit de scandales. L'accent mis sur des allégations de violation de l'éthique par des membres du gouvernement ou sur des scandales concernant des programmes gouvernementaux reléguerait dans l'ombre de véritables débats sur le programme d'action du gouvernement et, par voie de conséquence, les questions ne traduisent pas nécessairement les préoccupations des Canadiens en ce qui concerne les politiques (2). Enfin, troisième charge, la présence d'un gouvernement minoritaire de 2004 à 2011 a, en soi, exacerbé ces dynamiques, les députés donnant la priorité aux victoires politiques plutôt qu'à des débats de fond sur les politiques (3).

Cela dit, quelle est la gravité de la situation? Est-ce que le nombre de questions auxquelles les premiers ministres répondent a connu une augmentation saisissante du point de vue plus long de l'Histoire? Est-ce que les scandales sont devenus le thème dominant des questions posées au chef du gouvernement? Et qu'est-ce que les résultats d'une analyse de la période des questions des deux dernières décennies laissent entendre relativement aux préoccupations des chercheurs à l'égard d'un présumé << déclin du Parlement >> ou d'une gouvernance centrée sur le pouvoir exécutif, qui aurait supposément conduit à une diminution de l'attention accordée par les premiers ministres aux affaires parlementaires?

Notre article remet en cause ces théories au moyen de données empiriques sur le nombre d'interventions des premiers ministres lors de la période des questions, de la 35e à la 40e législature, embrassant les gouvernements Chrétien, Martin et Harper. Cette étude recense un total de 7 227 questions auxquelles ont répondu les premiers ministres entre 1994 et 2011. Elle va au-delà des recherches précédentes, en ceci qu'elle classe les réponses des premiers ministres par secteur de politique et contrôle le nombre de réponses qui portent sur l'éthique et sur les scandales, que le gouvernement soit majoritaire ou minoritaire.

Les contours de la transformation

L'activité des premiers ministres lors de la période des questions représente un volet fondamental de la reddition de comptes démocratique qui est cruciale dans les régimes parlementaires. En théorie et en pratique, les partis d'opposition et les députés pris individuellement peuvent tenir le Cabinet responsable de ses politiques et de ses actions en posant des questions au chef du gouvernement dans un lieu public et en le soumettant à un examen. À ce titre, la période des questions -- quels que puissent être les éléments d'inefficacité présumés ou son caractère fréquemment tapageur -- revêt une importance essentielle pour le maintien de la confiance des parlementaires envers le gouvernement.

La première question qui se trouve au coeur de la présente étude consiste à savoir si tes élections fédérales de 1993 ont marqué un tournant définitif dans le nombre de questions auxquelles les premiers ministres ont répondu. Pour répondre à cette interrogation, il est impératif de se tourner vers la méthodologie et les constatations de recherches précédentes. De nombreux universitaires ont examiné la fréquence à laquelle les premiers ministres au Canada, tout comme en Grande-Bretagne et en Irlande, répondent à des questions parlementaires. On ajuste couramment le nombre d'interventions du pouvoir exécutif au Parlement en fonction de celui de jours de session (jours de séance) afin de pouvoir faire des comparaisons justes dans la durée et entre les premiers ministres, car la durée des sessions peut varier considérablement d'une année à l'autre. La formule utilisée pour arriver à des résultats normalisés est la suivante : Ax = (D/Nx), oø A désigne l'activité du premier ministre, ou le nombre de questions auxquelles il a répondu pendant la session x. D représente le nombre moyen de jours par session dans toute la totalité de l'ensemble de données. N est le...

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