Une reforme de la periode des questions est-elle possible?

AuthorRyan, Frances H.

Le présent article fait état de quatre exemples de situations oø les députés fédéraux et les partis politiques exercent leur influence sur les usages, les conventions et la procédure qui régissent la période des questions. Il analyse ensuite quelques propositions de réforme et se penche, en dernier lieu, sur les raisons qui expliquent la réticence des députés à s'attaquer au défi que représente la réforme de la période des questions.

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Une démocratie libérale efficace exige des outils de responsabilisation qui le sont tout autant. Ils sont nécessaires, parce que leur existence et leur utilisation par les députés sont essentielles à la préservation de la légitimité du Parlement en tant qu'institution. Si les outils de responsabilisation ne fonctionnent pas comme ils le devraient ou ne sont pas employés aux fins auxquelles ils sont censés servir, la confiance de la population canadienne dans l'autorité -- ou la légitimité du Parlement est compromise.

La période des questions mérite une attention particulière quand on étudie l'obligation de rendre compte au Parlement. C'est dans le cadre de cette activité que nos représentants débattent quotidiennement des enjeux avec lesquels les milieux politiques canadiens sont aux prises. La période des questions constitue le moment névralgique de l'ordre du jour parlementaire, puisque c'est celui oø les députés de tous les horizons politiques, régionaux et idéologiques se réunissent pour interroger le gouvernement. Elle est aussi généralement perçue comme l'outil le plus puissant dont dispose l'opposition pour obliger l'exécutif à rendre compte de ses actes.

Par ailleurs, la période des questions a acquis de l'importance en raison de l'intense battage médiatique dont elle fait l'objet. De courts extraits de la période des questions sont régulièrement diffusés aux bulletins de nouvelles de fin de soirée, et c'est à partir de ces extraits que les citoyens se font une opinion du Parlement. En fait, dans l'esprit de bien des Canadiens, la période des questions en est venue à incarner l'institution.

Pourquoi l'opinion publique importe-t-elle?

Il ne fait aucun doute que la population canadienne a graduellement perdu foi dans le Parlement et dans les parlementaires. Même si bien des Canadiens et des érudits voient la période des questions comme un outil de responsabilisation essentiel, ils estiment que le manque de décorum, de collaboration et de discussions de fond en a compromis l'efficacité comme moyen d'obliger le gouvernement à rendre compte de ses décisions.

Déjà en 1991, la << Commission Spieer >> faisait état du désabusement de la population canadienne à l'égard du Parlement. Environ 400 000 citoyens ont pris part aux audiences publiques de la Commission, dont la création s'inscrivait dans la foulée des efforts déployés par le gouvernement Mulroney pour élaborer l'Accord de Charlottetown. Les participants estimaient qu'il fallait modifier le mode de fonctionnement du Parlement parce qu'ils avaient perdu confiance dans la capacité du régime politique en place de prendre des décisions qui << reflètent leurs valeurs et leurs aspirations pour le pays >>.

Des années plus tard, il semble que les citoyens n'aient pas changé d'avis. Conscient du mécontentement public à l'égard des institutions démocratiques canadiennes, le gouvernement Harper a commandé en 2007 un rapport de recherche intitulé Consultations publiques sur les institutions et les pratiques démocratiques du Canada, dans lequel les auteurs font la constatation suivante :

D'une part, quelques participants se dont dit convaincus que le débat ouvert de la période des questions est essentiel à la démocratie. D'autre part, de nombreux autres souhaiteraient voir plus de décorum et de substance et, dans une certaine mesure, une plus Mande coopération patati les députés qui prennent la parole durant la période des queslions (1).

La population canadienne n'a que faire des << bouffonneries de cour d'école >> et s'en désintéresse. À son avis, ce spectacle ne constitue pas un reflet ni une représentation de sa nature et de ses intérêts. Ainsi, pendant le scandale des cormnandites, les cotes d'écoute de la période des questions diffusée par la Chaïne d'affaires publiques par câble, dont les échanges étaient alors assez houleux, sont passées de 70 000 à 14 000 auditeurs par minute (2).

Qu'est-ce qui motive les députés?

Un examen des ouvrages spécialisés montre que deux écoles de pensée s'affrontent au sujet de l'efficacité de la période des questions comme outil de responsabilisation. D'un côté comme de l'autre, on en reconnaît le caractère essentiel, mais on ne s'entend pas sur la question de savoir s'il est possible d'en déterminer l'efficacité uniquement en observant son utilisation par les députés.

Certains universitaires présument que l'existence même d'un outil de responsabilisation comme la période des questions suffit à faire en sorte que l'opposition tienne le gouvernement responsable de ses actes. En 1987, C.E.S Franks a affirmé que la période des questions << doit avoir son utilité, sans quoi même les lents mécanismes de transformation de la procédure parlementaire auraient fini par en modifier les règles de fonctionnement >> (3). Peter Aucoin écrit, pour sa part, que << [...] malgré toutes ses lacunes prétendues et évidentes en pratique, il y a la période des questions, qui est d'une conception tort efficace >> (4). Tom Axworthy, lui, soutient que << la démocratie fédérale canadienne mérite notre confiance >> (5). Ce que ces auteurs omettent de prendre en considération, c'est que la façon dont les députés utilisent l'outil en pratique est aussi importante que l'existence de celui-ci.

De l'avis d'un autre groupe d'universitaires, l'existence de cette tribune ne suffit pas à elle seule à en garantir l'efficacité en pratique. Ces érudits estiment que la confiance dans le système n'est pas inhérente ou naturellement méritée et qu'il incombe à ceux qui dirigent l'institution de la gagner. Ils conviennent que la manipulation partisane de la période des...

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