Who Lives? Who Dies? Ethical Criteria in Patient Selection.

AuthorNootens, Suzanne
PositionBook Review

John F. Kilner, Who Lives? Who Dies? Ethical Criteria in Patient Selection. New Haven, Yale University Press, 1990. Pp. xiv, 359. [29.95$].

Introduction

La raison d'etre du medecin, la tache a laquelle il dedie ses jours et bien souvent ses nuits, est la guerison, la sauvegarde de son patient, ou a tout le moins l'amelioration de son etat. En tout temps, epidemies, guerres, catastrophes ... peuvent l'obliger a choisir, parmi les personnes atteintes, celles a qui il donne ses soins en priorite. Mais ce sont des choix ponctuels, dictes par les circonstances immediates, et qui n'impliquent aucune selection a priori. Voici que sous l'action combinee de l'acces generalise aux soins de sante, du developpement d'une technologie medicale de plus en plus couteuse, et de la pratique, chaque jour plus audacieuse, des greffes d'organes, l'affectation des ressources disponibles en matiere de sante plouge les professionnels de la sante et les responsables des systemes de sante dans les affres de choix a effectuer. Dechirants parce que l'acces a une ressource rare accorde a l'un implique que l'autre en soit prive: les chances de survie accordees au premier signifient souvent pour le second la fin de l'espoir. Meme si c'est la maladie qui cause la mort du patient, et non un geste delibere de notre part, nous pouvons avoir le sentiment de decider de la vie ou de la mort de nos semblables. C'est ce dilemme qu'exprime le titre meme du livre de John F. Kilner (1) et qu'enoncait deja James E Childress (2).

Le contexte de l'allocation des ressources rares

Si notre legislation quebecoise enonce un droit aux services de sante, elle ajoute aussitot << compte tenu de l'organisation et des ressources des etablissements >> (3), et elle ne precise certes pas les criteres devant presider au choix des patients lorsque les dites ressources ne peuvent suffire a repondre aux besoins.

Cette situation refere a deux realites bien distinctes, devant, selon nous, susciter des approches distinctes. La premiere est le manque de ressources financieres, entrainant une penurie de personnel ou d'equipements qui seraient par ailleurs disponibles, mais auxquels on ne recourt pas pour des raisons budgetaires. Elle resulte de choix politiques, que ceux-ci se situent au niveau des plus hautes instances de l'Etat, a un niveau regional, ou au niveau de la direction des centres hospitaliers (4). Dire qu'elle resulte de choix ne prejuge pas de la legitimite de ceux-ci. Avec le developpement technologique, la prolongation de la duree de vie, de la prematurite extreme d'un nouveau-ne a l'age le plus avance, le budget entier d'un Etat pourrait etre consacre aux soins de sante et n'y point suffire: ainsi que le souligne Lester Thurow, le potentiel de depenses est pratiquement illimite (5). Les options retenues tant au niveau etatique qu'a l'interieur meme des centres hospitaliers relevent de facteurs multiples, de pressions de tous genres dont la moindre n'est pas celle de l'opinion publique, ou encore celle des medecins les plus influents ou les plus habiles a demander des budgets, ainsi que le denoncent notamment Guy Rocher et Andree Lajoie (6).

La seconde realite concerne la penurie des organes disponibles pour transplantation, domaine en constant progres. Ici, outre la question du coot, la ressource est veritablement absente, elle ne s'achete pas, du moins dans une societe qui se respecte et s'oppose a la commercialisation du corps humain. On peut seulement esperer une augmentation du nombre de donneurs. Des reseaux se sont crees, au Quebec comme ailleurs--par exemple Metro-transplantation a Montreal--pour favoriser une utilisation optimale des organes disponibles, ainsi qu'une attribution la plus equitable possible parmi les receveurs en attente.

Meme si Kilner veut s'attaquer a une realite plus large, l'analyse qui suit ne porte pas tant sur la macro-allocation des ressources, mais bien sur les decisions prises au niveau individuel: une fois la penurie constatee, a qui va aller la preference pour la greffe d'organe, la dialyse, le lit de soins intensifs ...? Le droit etant jusqu'a present silencieux, la demarche ethique devrait des lors nous guider, et c'est en se fondant sur elle que Kilner s'attelle a la tache heroique de tenter de repondre a la question.

La demarche de Kilner

S'etonnant du peu d'etudes d'ensemble consacrees au sujet eu egard a la profusion de litterature touchant les differents domaines de l'ethique medicale, l'auteur souligne l'imperieuse necessite de determiner au plus tot les criteres et les procedures de selection des patients appeles a beneficier des ressources rares. En effet, de telles decisions sont, par la force des choses, prises quotidiennement dans les hopitaux, et les criteres varient d'un endroit a l'autre, d'un organisme a l'autre. Trop longtemps il a ete procede a ces choix sans transparence suffisante, ou pour des motifs peu compatibles avec les regles de l'ethique medicale.

Trop longtemps aussi, toutes sortes de raisons ont ete invoquees pour eviter de determiner des criteres et ce, meme par ceux qui admettent qu'il est impossible de traiter tout le monde. Certains craignent que la reference a des elements objectifs attenuent les responsabilites inherentes a la tragedie du choix. On peut affirmer aussi que la decision est purement medicale, ce qui n'est plus vrai des que la demande depasse les ressources disponibles, ou encore invoquer, a l'absurde, un argument egalitaire absolu: si tous ne peuvent survivre, il vaut mieux que tous meurent (7)! Ou des jugements ad hoc sont preferes a des criteres predetermines, ce que Kilner juge tout a fait inequitable. L'auteur entend donc s'attacher a une etude approfondie de tousles criteres de selection utilises, dans le but d'en arriver a determiner, par ordre d'importance, ceux qui devraient etre retenus pour faciliter les prises de decisions. Voulant depasser les choix individuels, il souhaite, et ce n'est pas la moindre de ses ambitions, que les criteres retenus soient applicables, ou pertinents, a tous les niveaux decisionnels, ainsi qu'a tousles types de ressources vitales rares, et transcendent les frontieres.

Bien stir, la situation ideale serait de pouvoir offrir a chacun tous les soins dont il a besoin. Les decisions en cette matiere ne resultent pas d'une volonte arbitraire de << jouer au Tout-Puissant >> (8), mais interviennent, et doivent intervenir seulement face a l'obligation de choisir, quand il n'y a vraiment pas d'autre alternative possible.

Les criteres de selection etudies, et que nous allons developper ci-apres, sont abordes, approche coherente avec la formation de l'auteur, dans une perspective ethique et sociale. Cependant, ils s'inserent difficilement, dit-il, dans les poles de contrastes classiquement definis en ethique (9), a savoir: le teleologique oppose au deontologique, ou l'utilitariste oppose a l'egalitaire ou au libertaire. Pour eviter ces ambiguites, Kilner prefere classer les differents arguments invoques a l'appui ou au rejet des criteres de...

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