Éditorial
DOI | http://doi.org/10.1002/cjas.1403 |
Date | 01 September 2016 |
Published date | 01 September 2016 |
Éditorial
Dans mon dernier éditorial, je soulignais la relation
entre la théorie du commerce et la théorie de la gestion.
Les théories sont souvent sous-tendues par des idéologies.
Le capitalisme, le communisme, le socialisme, le
conservatisme, le libéralisme et leurs variantes ont tous in-
fluencé les comportements institutionnels au sein des
sociétés. Bien évidemment, en ce qui concerne la théorie et
la pratique de la gestion, le managérialisme semble en être
le principe dominant. Je considère le managérialisme comme
la croyance selon laquelle la promotion effective des intérêts
des parties prenantes de la société passe par une extraction
rationnelle, ordonnée et efficace de la valeur optimale
contenue dans les ressources, moyennant l’utilisation de cer-
tains processus, procédés et techniques. Le savoir et les apti-
tudes nécessaires à la gestion peuvent être générés grâce à la
recherche et l’observation, puis codifiés et utilisés pour
éduquer, former et socialiser les professionnels de la gestion
qui, comme tous les autres professionnels, ont la
responsabilité ultime de contribuer au bien-être social.
Les idéologies produisent des ismes qui sont des pré-
suppositions qui réconfortent. On est peu disposé à tester
ces présuppositions de peur de déstabiliser l’ordre établi,
ordre pour lequel on est sinon des gardiens, du moins des
gendarmes! Une recherche effectuée sur Google Scholar
montre que les articles sur le managérialisme écrits par des
universitaires spécialisés en gestion ou en commerce ou
publiés dans des revues de commerce et de gestion sont
rares. Dans le même temps, on dénombre une pléthore de
livres, d’essais et d’études très critiques du managérialisme
publiés dans les domaines de l’éducation, des soins de santé,
du service public, du travail social, et dans les autres
branches des sciences sociales. Les points critiqués varient
selon les auteurs. Certains dénoncent la quête effrénée de
l’efficacité aux dépens de la justice sociale; d’autres
regrettent l’absence de considérations éthiques; d’autres
condamnent la mathématisation des procédures du
managérialisme et le fait qu’il ne prend pas en compte les
besoins humains; d’autres encore désapprouvent ses
modèles abstraits inaptes à bien cerner les réalités concrètes;
d’autres enfin remettent en question son argumentaire
positiviste. La liste des critiques est longue et le format est
le même. De façon générale, les critiques dénoncent
l’impossibilité d’utiliser les présuppositions du
managérialisme pour guider la gestion du secteur du service.
Cependant, ces critiques abordent le managérialisme
uniquement du point de vue des dégâts potentiels qu’il
pourrait causer et dénoncent l’inadéquation de ses hypothè-
ses et sa tendance à privilégier ses protagonistes.
Comme le capitalisme, le communisme, le positivisme,
ou tout autre système idéologique, le managérialisme est né
avec des intentions bénignes. Les systèmes ont des limites et
des contraintes et sont susceptibles d’être abusés. Le
managérialisme peut, en tant que système philosophique,
servir n’importe quel but ou n’importe quel objectif. La
catégorisation d’un système en bon ou mauvais provient de la
manièredont onen use ou en abuse.Même s’ilest faciled’avoir
des récriminations contre un système et de le condamner, il
convient de noter qu’une telle attitude découle soit d’attentes
qui dépassent les capacités du système, soit de son application
aveugle. Ma lecture de la littérature critique sur le
managérialisme m’amène à conclure que ses adversaires
recourent le plus souvent à « l’argument de l’homme de paille ».
Pour cette raison, il importe de rechercher les pouvoirs et les
contraintes du managérialisme dans les écoles de commerce.
Lors de mes séminaires avec mes étudiants du deuxième et
troisième cycle, nous nous demandons si le managérialisme
peut servir de méta-paradigme qui transcende le capitalisme
et le communisme et contribue à la création de la valeur dans
la société. Les débats permettent aux étudiants d’examiner le
managérialisme sous plusieurs angles, de le déconstruire et
de reconsidérer les attentes qui l’entourent. Mon vœu est de
voir des études qui remettent en question les présupposés
sous-jacents du managérialisme dans un contexte d’affaires
et explore plusieurs structures de gouvernance qu’il guide—
par exemple son rôle dans l’orientation de l’industrie post-mo-
derne et ses limites dans le contexte de la mondialisation. Bref,
avant de déclarer qu’il est un anachronisme ou un mouvement
perversdesti né à privilégier une classe professionnelle, il y a un
vaste champ de recherches à couvrir.
Opportunément, ce numéro spécial est consacré au
développement durable en Afrique à travers le prisme de la
théorie de la gestion. Les études présentées ici mettent en év-
idence le rôle utile que le managérialisme peut jouer dans la
promotion de la durabilité. Je vous encourage à lire les arti-
cles contenus dans ce numéro en ayant présent à l’esprit la
déconstruction consécutive au démantèlement du «isme»
contenu dans le mot managérialisme.
Bonne lecture!
Vishwanath Baba
Directeur scientifique
Canadian Journal of Administrative Sciences
Revue canadienne des sciences de l’administration
33: 174 (2016)
Published online in Wiley Online Library (wileyonlinelibrary.com) DOI: 10.1002/CJAS.1403
Can J Adm Sci
33(3), 174 (2016)Copyright © 2016 ASAC. Published by John Wiley & Sons, Ltd. 174
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