Le partenariat dans la prevention du crime en milieu urbain: les defis d'une culture a consolider.

AuthorPaquin, Sophie
PositionIncludes text in English - Quebec

Crime prevention partnerships are an increasingly popular approach in the co-production of community safety. However, there is some confusion about and improper use of the term "partnership." To clarify this concept, this study defines partnership and what distinguishes it from other collaborative approaches. Quebec's leading crime prevention experts were surveyed to get feedback on their perceptions and experiences of the partnership approach. The analysis of the survey results indicates that multidisciplinary partnerships provide greater access to resources and clients, promote networking among partners, improve the results of actions, and provide a more complete safety diagnosis. Certain conditions also facilitate the development and function of partnerships. However, the small amount of time usually allotted to consolidating the partnership approach, changing structures, organizational cultures that are difficult to reconcile, and the precarious financial position of organizations are factors that may harm partnerships. In the current socio-political context, the number of crime prevention partnerships will increase even though important basic conditions must first be met. Major issues remain and will influence debates on new partnerships, especially the lack of accountability of partnership associations and the exhaustion of organizations that, in a climate of insecurity, continue to be solicited for new partnerships. Thus, the partnership approach brings a series of challenges for the players in crime prevention.

Introduction

La question de la prevention de la criminalite en milieu urbain est devenue une preoccupation partagee par un plus grand nombre d'acteurs sociaux. La prevention de la criminalite s'est graduellement transformee en une approche plus globale de la securite des collectivites, celle-ci etant conceptualisee comme un bien collectif (Crawford 1998 ; Shaw 2001). En accord avec cette vision, la securite collective est coproduite par les ressources et les reseaux de plusieurs secteurs d'activites, ce qui se concretise principalement par des partenariats intersectoriels. Le terme de partenariat est d'ailleurs devenu un << buzzword >>, un motcle dans le domaine de la prevention du crime et du sentiment d'insecurite (Walklate 2001). Plusieurs projets en prevention du crime misent sur ce concept, croyant offrir ainsi une garantie de succes.

Les structures politiques et sociales de controle et de prevention du crime sont en pleine metamorphose. Ces transformations, affirme Crawford, se manifestent par << a dispersed and fragmented web of networks and partnerships, in which the interests of the central state collide with local power elites, established agencies, charitable bodies, private businesses and representatives of other organized groups >> (Crawford 1997: 4). Le partenariat est un mode d'action collective populaire aupres de ces reseaux d'acteurs qui oeuvrent dans des secteurs tres differents. Le partenariat evoque en filigrane que la prevention du crime est dorenavant l'affaire des institutions, des organisations communautaires, du secteur prive et des citoyens dans leur ensemble, ce que Garland (1996) appelle une strategie de responsabilisation de la societe civile.

Cet engouement pour le partenariat a suscite des recherches sur les structures partenariales, le role de l'Etat et l'evaluation de projets. Johnston (2001) mentionne que plusieurs etudes portent aussi sur des questions relatives a la genealogie des logiques de gouvernance (<< genealogical analysis of governing rationalities >>), comme les recherches sur l'impact des ideologies politiques sur la prevention du crime ou sur la vigilance citoyenne (<< vigilantism >>). Par contre, en dehors des etudes d'evaluation et des guides de formation, les logiques de fonctionnement partenarial ont peu ete scrutees par les chercheurs universitaires. Dans ce contexte, cette recherche vise a apporter un eclairage nouveau sur les logiques partenariales.

Le questionnement de recherche est le suivant: Quelles sont les logiques qui incitent les acteurs institutionnels et communautaires a s'engager dans une demarche partenariale en securite urbaine? Quels sont les elements qui facilitent ou qui font obstacle au fonctionnement partenarial? Comment agissent-ils? Quels sont les principaux enjeux du partenariat en prevention du crime?

Dans cet article, nous preciserons le concept de partenariat et ses origines sociales et politiques. Ensuite, nous presenterons les principales analyses, notamment celles sur le processus, les exigences de base et les principaux obstacles au partenariat. Finalement, nous terminerons en discutant de l'hypothese selon laquelle l'approche partenariale constitue un paradigme influent en prevention du crime et des desordres depuis une vingtaine d'annees.

Methodologie

Des entrevues ont ete menees aupres de sept experts de la prevention du crime et du sentiment d'insecurite au Quebec. Les informateurscles qui ont participe a l'enquete sont tres experimentes et occupent tous des postes de coordination dans le domaine public ou communautaire. Ces hommes et ces femmes oeuvrent dans des municipalites, des services de police, des agences de prevention du crime et de l'insecurite urbaine, des organisations non-gouvernementales et des agences de sante publique. Tous les participants ont realise des travaux importants dans le domaine, certains sont reconnus a l'echelle internationale. Ces repondants sont des praticiens reconnus et des experts credibles dans le milieu de la prevention au Quebec. Les entrevues semi-dirigees ont permis de recueillir le materiau brut de recherche, soit les idees et les appreciations des informateurs-cles quant a certains themes. Les questions de l'entrevue ont porte sur leurs perceptions quant a leurs experiences de partenariat, les aspects facilitants ou limitatifs de ce mode d'action collective de meme que les voies d'avenir pour les logiques partenariales. Au fil des entrevues, nous avons atteint la saturation des donnees. Nous avons complete cette etude par l'analyse de projets locaux de prevention du crime.

La concertation, la collaboration et le partenariat: au-dela des similitudes

Le terme partenariat est un concept important dans la rhetorique de la prevention du crime, mais il est souvent utilise de facon erronee pour qualifier des projets. Les definitions des termes << partenariat >>, << concertation >> et << collaboration >> sont approximatives dans l'usage courant. Afin de preciser ces concepts, nous retiendrons, dans la typologie des relations interorganisationnelles, ce que Landry (1994) propose: la dimension du support consenti par chaque organisation au partenariat et celle de la formalite des rapports entre acteurs organisationnels. Ainsi, les collaborations seraient des relations peu formelles qui n'engagent les participants que sur un aspect precis et determine de leur cooperation (par exemple, le recrutement de participantes pour une marche exploratoire sur la securite dans un parc [<< safety audit >>]).

Le partenariat et la concertation sont, de leur cote, des methodes plus formelles d'action et par consequent leurs implications organisationnelles sont beaucoup plus profondes. Rene et Gervais (2001: 22) expliquent que le partenariat << renvoie a des pratiques qui engagent davantage les partenaires dans une demarche commune >> alors que pour une concertation, << les liens sont moins structures, moins formels >>. Les experiences de partenariat en prevention du crime au Quebec se caracterisent par des regroupements d'organisations preoccupees par la question du crime et de la violence en ville. Il s'agit d'une alliance contractuelle formant une structure organisationnelle, qu'elle soit au niveau local ou regional (Fontan et Lachapelle 2000, cite dans Lachapelle 2001). Le partenariat implique evidemment la concertation des partenaires, mais ce qui le demarque, c'est sa finalite. Ainsi, un projet de prevention de l'insecurite urbaine planifie et mis en oeuvre en commun, ou l'analyse des besoins et les strategies d'action sont elaborees par l'ensemble des partenaires dans le respect de leurs competences, constitue un partenariat.

L'origine du partenariat en prevention du crime

L'approche partenariale est devenue graduellement un modele idealise dans la structuration des rapports entre les organisations du champ social, et ce, dans la plupart des niveaux d'interventions publiques et communautaires. Cette expansion du partenariat temoigne d'une certaine redefinition du contrat social entre l'Etat et les differents acteurs sociaux, politiques et economiques (Levesque et Mager 1992). Le domaine de la prevention du crime n'echappe pas a cette tendance.

En Grande-Bretagne, Crawford (1998) etablit que la popularite du partenariat est le resultat de causes organisationnelles et politiques. Selon lui, la bureaucratisation et la specialisation des professions liees a la criminologie et a la justice penale de meme que les resultats inconstants de certaines actions de prevention du crime entretiennent la contestation...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT